Poignant, touchant et bouleversant, mais aussi magnifique, joyeux et lumineux. L’ultime album de Karl Tremblay avec Les Cowboys Fringants est le parfait testomony musical qu’aurait pu léguer le chanteur à ses nombreux admirateurs. Lancé à minuit, dans la nuit de mercredi à jeudi, Pub Royal entre déjà dans la légende. Le tour de power est admirable.
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Remark Jean-François Pauzé, Marie-Annick Lépine et Jérôme Dupras y sont-ils parvenus? À peine cinq mois et des poussières après le tragique départ de leur fidèle comparse, les trois musiciens ont rassemblé les forces qu’ils avaient en eux pour terminer ce qu’est devenu Pub Royal.
Avant de rendre son dernier souffle, Karl Tremblay a eu le temps d’enregistrer six pièces de ce disque. Marie-Annick et Jean-François se sont partagé le micro pour quatre autres titres, en plus de trois morceaux instrumentaux.
L’esprit du grand Karl, dont le départ a bouleversé le Québec et l’Europe francophone, se trouve un peu partout sur l’album coréalisé par Gus Van Go et Daniel Lacoste. Parce que le level de départ du disque était la comédie musicale que concevait le groupe avec la troupe des 7 Doigts, et que la triste fatalité du chanteur était déjà connue par ses proches, plusieurs morceaux parlent de la vie et de la mort.
Épique La fin du present
Deux chansons de Pub Royal sont particulièrement déchirantes. Les spectateurs qui ont vu la comédie musicale dans les derniers mois connaissent déjà La fin du present. Interprétée par Martin Giroux dans le spectacle, elle prend évidemment une tout autre ampleur avec la voix de Karl Tremblay, qui chante sa mortalité inévitable. Rares sont les artistes qui peuvent faire de tels adieux sur disque.
«Fak c’est ça / On en est là / J’n’aurais pris plus / C’est d’jà le terminus / Moi qui a tant aimé la vie / Tout est fini… », lance le chanteur, et ça nous frappe en plein cœur. «Ferme le observe pis les lumières / Non j’ai plus besoin qu’on m’éclaire / Je sors par la porte d’en arrière / Pour que m’avale l’Univers.»
D’une durée de plus de sept minutes, l’épique La fin du present entre déjà dans le panthéon des plus grandes chansons jamais écrites par Les Cowboys Fringants. On la place tout en haut, dans le prime 3, avec Les étoiles filantes et L’Amérique pleure. Jean-François Pauzé a écrit l’hommage ultime à son grand ami.
Constamment boudé par le Gala de l’ADISQ depuis le début de sa carrière, on prédit que Pauzé recevra enfin la nomination tant attendue pour la catégorie Auteur.e ou compositeur, compositrice de l’année. Ce serait mérité depuis fort longtemps.
Comme si ce n’était pas assez avec toutes ces émotions, Marie-Annick nous assène le «coup de poing» inattendu plus tard dans l’album avec Les cheveux blancs, dont elle a écrit les paroles et la musique. «Vous allez voir mes puces / Que la vie est souvent injuste, souvent injuste / Surtout pour ceux qui partent avant / D’avoir les cheveux blancs.» Ouf. On retranscrit ces paroles et on a encore le «motton».
La fête est aussi au rendez-vous
Pub Royal n’est pas que bouleversant. L’album compte sa half de titres festifs. Le plus dynamique d’entre eux est Bienvenue chez nous. Chanson qui ouvre la comédie musicale, elle est placée ici juste après l’introduction instrumentale Des espoirs de trigger, qui a manifestement des airs circassiens avec l’utilisation de trombone, cor français, tuba et clarinette.
Bienvenue chez nous donne parfaitement le ton à l’album. Avec cinq comédiens de Pub Royal aux chœurs (Alexia Gouard, Émilie Josset, Christian Laporte, Kevin Houle et Martin Giroux), la chanson entre déjà dans les classiques des Cowboys. Seul petit pincement: en l’écoutant, on déplore qu’on ne puisse jamais entendre le groupe interpréter les contagieux LA LA LA LA LA sur scène.
Le quintette de comédiens de Pub Royal est assez présent sur l’album, alors qu’on peut entendre les chœurs dans cinq morceaux (Bienvenue chez nous, Loulou vs Loulou, La fin du present, Questions sans réponses, [re]Bienvenue chez nous). Étroitement associé à la comédie musicale, Pub Royal s’approche beaucoup plus d’un album idea que le reste de la discographie des Cowboys. Le résultat est cohérent et nous démontre à quel level la formation de Repentigny a évolué en 25 ans de carrière.
Derniers remerciements
Avant de fermer les rideaux, les Cowboys, par la voix de Jean-François et Marie-Annick, nous servent une dernière chanson de occasion, sous forme de rétrospective de carrière. Merci ben! est un entraînant dernier coup de chapeau du groupe à ses admirateurs. «Pour les hundreds of thousands d’êtres humains / Dont on a croisé le chemin / Pour vos lighters dans le ciel / Et vos grands sourires immortels / Merci ben! / Merci ben! / Merci ben!»
On l’a écrit souvent: Les Cowboys Fringants ont marqué l’histoire musicale du Québec. Après le décès immensément triste de son chanteur, le groupe vient de nous servir un très grand album émotivement chargé. On se souviendra longtemps de Pub Royal.
Observe : 4,5/5