La parution prochaine du livre de l’immunologue Anthony Fauci nous ramène à deux facteurs aggravants de la polarisation politique aux États-Unis: la crise de confiance à l’égard des sources traditionnelles d’information et la pandémie de la COVID.
Dans On Call: A Doctor’s Journey in Public Service, Fauci effectue un retour sur une carrière d’une soixantaine d’années, dont près de quarante ans à la direction du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, mais il réserve également un chapitre à sa relation avec le 45e président.
Discréditer le service public
Maintenant âgé de 83 ans, le célèbre médecin devrait jouir d’une retraite paisible et recevoir gratitude et hommages. Pourtant, on l’accueillait récemment au Congrès américain où une élue comme Marjorie Taylor-Green l’a abreuvé d’injures.
Avant l’élection de Donald Trump et la pandémie, Fauci était considéré, à juste titre, comme un héros américain. Sa feuille de route est impressionnante et il a été de tous les combats.
Ses ennemis avaient pour nom Ebola, SRAS, virus du Nil occidental, anthrax et SIDA.
Lorsqu’il a affronté le SIDA, on l’a sévèrement critiqué parce que face à cet inconnu, il a d’abord réagi de manière traditionnelle avant d’intégrer les malades à ses travaux.
Son ouverture explique qu’un de ses critiques les plus sévères (qui l’a d’abord qualifié de meurtrier) soit ensuite devenu un ami intime.
L’immunologue a aussi collaboré avec sept présidents américains. Du groupe, un seul l’a discrédité et insulté. Vous devinez lequel.
Un des moments les plus importants de sa vie professionnelle fut d’ailleurs vécu aux côtés du républicain George W. Bush. C’est ce dernier qui a signé le Plan d’urgence du président pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR) en 2003.
Mission impossible
Si son héritage semble remis en question en 2024, c’est qu’Anthony Fauci a été appelé à guider la réponse à la pandémie alors que Donald Trump était président.
Nous avons tous été marqués par cette pandémie et aucun gouvernement n’a eu de réponses parfaites alors qu’on ajoutait constamment de nouvelles données.
La tâche devient titanesque lorsque le président se lance dans la désinformation, la bêtise (vous vous souvenez des injections de Javel?) et les insultes dans les réseaux sociaux.
Dans un chapitre intitulé «Il m’aime, il ne m’aime pas», Fauci raconte qu’en plus de le discréditer, le président l’engueulait, le tenant pour responsable des retombées économiques désastreuses.
Donald Trump a ouvert la porte à tous les théoriciens du complot qui ont accusé le docteur de financer la recherche qui a mené au développement de la COVID-19 et d’avoir encaissé des millions de dollars des pharmaceutiques qui ont développé les vaccins. Il n’existe aucune preuve pour appuyer ces accusations.
La crise de confiance envers les dirigeants que nous traversons, souvent justifiée, atteint un niveau inquiétant quand elle mène à la politisation de la science. Nous en sommes là, tandis qu’un héros américain se retire sans jouir de toute la reconnaissance qu’il mérite.