S’il existait un genre de Temple de la renommée de la comédie musicale dans la francophonie, on peut avancer que Serge Postigo aurait assuré son intronisation après avoir vu Les producteurs, jeudi soir, au Théâtre Capitole.
De tous les combats dans cette éclatante nouvelle version du classique de Broadway, l’acteur et metteur en scène de 55 ans, dont la feuille de route sur scène est déjà bien garnie, y réalise un admirable tour de force.
Non seulement tient-il avec brio le rôle principal du producteur filou Max Bialystock, mais c’est lui qui a traduit la pièce en français québécois, en plus de signer l’adaptation et la flamboyante mise en scène de cette nouvelle relecture du film de Mel Brooks, sorti en 1968.
Tout cela après avoir joué le même personnage près de 400 fois, à Paris, entre 2021 et 2023.
Dans le deuxième acte en particulier, il a montré toute l’étendue de ses talents comiques et dramatiques en chantant Trahi, un rare moment où il est seul en scène.
Rappel de l’intrigue: Max Bialystock est un producteur de Broadway sur le déclin qui, à la suggestion du comptable Léopold Bloom (Tommy Joubert), monte le pire spectacle possible.
L’objectif? Que le spectacle, un hommage au nazisme intitulé Nos cœurs pour Hitler, soit si mauvais qu’il quitte l’affiche rapidement afin que les producteurs se poussent avec l’argent des investisseurs. Or, l’impensable se produit. La pièce est un succès et la police se met aux trousses du producteur véreux.
Acteurs à la hauteur
Aux côtés de Postigo, Tommy Joubert et la Française Marianne Orlowski, qui incarne la caricaturale artiste/réceptionniste suédoise Ulla, ont aussi plusieurs occasions, qu’ils mettent à profit, de briller.
D’abord timoré avec sa bouille de bon gars, le personnage de Léo Bloom, et son interprète, se décoince lorsqu’il se lance dans une convaincante interprétation de Je voudrais être un producteur. Inconnue du public, Orlowski réussit, avant l’entracte, une entrée en piste aussi sensuelle qu’amusante qui prouve qu’elle joue à armes égales avec ses partenaires.
Thiéry Dubé se démarque aussi dans la peau d’un hilarant nostalgique fanatique d’Adolf Hitler. Le reste de la distribution est à la hauteur, tout comme les danseurs, franchement épatants.
Le troisième lien
On savait déjà, à la suite de la présentation de la pièce à Montréal, que Serge Postigo avait inséré plusieurs références à la culture populaire d’ici dans sa traduction québécoise. Lors de la première à Québec, on a été surpris de constater qu’il a pris soin d’ajouter des gags sur le troisième lien et le quartier Saint-Roch.
Par ailleurs, à ceux qui prétendent qu’on ne peut plus rien dire de nos jours par crainte d’être «cancellé», sachez que la pièce Les producteurs regorge de blagues irrévérencieuses sur plusieurs groupes de la société, les Juifs et les homosexuels notamment.
C’est loin d’être scandaleux, même si Max lance qu’une réplique qu’il vient d’entendre était si vulgaire et grossière que «même Mike Ward aurait été choqué».
Ah oui, vraiment?
Les producteurs est à l’affiche au Théâtre Capitole, à Québec, jusqu’au 28 juillet.