Le cancer du sein touchera jusqu’à une femme sur huit avant l’âge de 85 ans et demeure une des principales causes de mortalité liée au cancer chez les femmes. Bien que l’amélioration récente des traitements ait permis d’améliorer substantiellement la survie des patientes, la prévention demeure toujours la meilleure stratégie pour réduire l’impact social de ce cancer.
Au Canada, comme dans l’ensemble des pays riches, l’incidence du cancer du sein est en augmentation constante. Une partie de cette augmentation du nombre de diagnostics est, bien entendu, attribuable à l’implantation des programmes de dépistage par mammographie, mais cette hausse reflète aussi l’impact négatif de certaines modifications au mode de vie moderne qui créent des conditions favorables au développement de ce cancer. Quatre principales habitudes de vie exercent une influence déterminante sur le risque de cancer du sein (1).
1) Maintenir un poids santé
Un IMC élevé après la ménopause (la période où sont diagnostiqués la majorité des cancers du sein) est associé à une augmentation significative du risque de cancer du sein. Ce lien est particulièrement prononcé pour le cancer œstrogène-dépendant (ER+), avec une hausse de risque de 82% observée chez les femmes des catégories de poids corporel les plus élevées par rapport à celles ayant le poids corporel le plus faible.
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer ce lien entre surpoids et cancer du sein, notamment la conversion accrue des androgènes en œstrogènes, la suractivation des voies de signalisation de l’insuline et du facteur de croissance analogue à l’insuline (IGF) et l’inflammation chronique.
Quels que soient les mécanismes en cause, les études montrent clairement que les femmes qui maintiennent un poids santé en vieillissant ont un risque réduit de cancer du sein postménopause. Pour les femmes obèses, une perte de poids supérieure à 10 kg avant la cinquantaine est associée à une réduction de 40% du risque de cancer du sein postménopause. Il n’y a donc pas de doute que la forte proportion actuellement observée de personnes en surpoids contribue à la hausse de l’incidence du cancer du sein.
2) Être active
L’activité physique de modérée à vigoureuse est associée à une réduction d’environ 20% du risque de cancer du sein lorsque l’on compare les femmes les plus actives avec les femmes les moins actives physiquement. En plus de pouvoir contribuer au maintien d’un poids corporel santé, l’activité physique a des effets positifs sur plusieurs phénomènes pouvant contribuer à restreindre la progression du cancer du sein, en particulier le métabolisme des œstrogènes, la sensibilité à l’insuline, l’inflammation chronique, le stress oxydatif et la fonction immunitaire. Puisque plus de la moitié de la population des pays riches ne respecte pas les recommandations minimales en matière d’activité physique, soit 150 minutes d’activité de modérée à vigoureuse par semaine, le potentiel chimiopréventif de l’exercice demeure largement inexploité et pourrait réduire substantiellement l’incidence du cancer du sein.
3) Manger plus de végétaux
La consommation régulière de fruits, de légumes, de légumineuses, de noix, d’épices et de boissons telles que le thé et le café permet un apport élevé en fibres, en minéraux et en composés phytochimiques qui influence positivement la santé en général, notamment en réduisant l’inflammation chronique et la résistance à l’insuline, et tous ces effets peuvent contribuer à réduire le risque de plusieurs cancers, incluant celui du sein. Un exemple typique de ce mode d’alimentation est le régime méditerranéen, associé à maintes reprises à une réduction du risque de maladies chroniques et de mortalité prématurée. Dans l’étude PREDIMED, par exemple, on a pu montrer que les femmes qui adhéraient le plus fortement à ce type d’alimentation avaient un risque de cancer du sein réduit de 50% comparativement à celles qui n’adoptaient pas ce régime.
Il est aussi intéressant de noter que certains aliments qui contiennent des analogues structuraux aux œstrogènes (les phytœstrogènes), comme le soya et les graines de lin, ont également été associés à des diminutions importantes du risque de cancer du sein dans de multiples études, autant en prévention primaire qu’en prévention secondaire (après le traitement d’une tumeur mammaire).
4) Boire très modérément de l’alcool
Les femmes sont beaucoup plus vulnérables aux effets néfastes de l’alcool. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le cancer du sein, car l’alcool est connu pour augmenter les niveaux d’œstrogènes en circulation, un des principaux facteurs de risque de ce cancer.
Par exemple, une grande étude a montré que les femmes consommant de 5 à 10 g d’alcool par jour (soit l’équivalent de trois à six verres par semaine) étaient 15% plus susceptibles de développer un cancer du sein que les non-buveuses, une hausse qui atteint 50% chez celles qui en consomment plus de deux verres par jour. On estime que la consommation régulière d’alcool est responsable d’environ 12% des cancers chez les femmes préménopausées.
Contrairement à ce que les gens pensent, on estime que plus de 90% des cancers du sein sont dus au hasard, c’est-à-dire qu’ils surviennent chez des femmes qui n’ont pas d’antécédents familiaux ou ne présentent pas d’anomalies génétiques qui prédisposent à la maladie. Certains facteurs de risque incontrôlables additionnels existent (puberté précoce, absence d’enfants (nulliparité), densité mammaire), mais, dans l’ensemble, il existe clairement une large fenêtre d’intervention pour prévenir le développement du cancer du sein en portant une attention particulière aux habitudes de vie.
(1) Britt KL et coll. Key steps for effective breast cancer prevention. Nat. Rev. Cancer 2020; 20: 417-436.