PARIS | Félix Auger-Aliassime a vraiment mal choisi son sport pour être un gars d’équipe.
Parce que oui, le Québécois est tout un joueur d’équipe dans un sport très individuel. On en connait tous, vous savez, des sportifs qui se mettent à être bien meilleurs quand l’enjeu est collectif.
Félix, quand c’est plus grand que lui, il est meilleur.
Quand il joue pour plus que lui, comme un pays, il est meilleur. Pas juste un peu. Comme s’il ne voulait jamais être celui qui nuit à son équipe.
Sans connaître une mauvaise saison, Félix n’arrivait pas à Paris avec le vent dans les voiles, disons, avec 21 victoires et 16 revers.
Mais c’était un autre Félix qui jouait dimanche à Roland-Garros.
Il a complètement écrasé l’Américain Marcos Giron, 38e joueur mondial en deux manches de 6-1 et 6-4. Félix était dans une autre classe.
Pourtant, Giron ne venait pas en touriste. Il a remporté il y a moins de deux semaines, le tournoi de Newport, dans le Rhode Island.
Félix a fait 10 as et n’a commis aucune double faute. Giron n’a pas fait un seul as. Félix a remporté 43% de ses retours de service. Giron en a remporté 8%. C’est plus que fort.
Quand je vous dis que ce n’est pas le même Félix, cette statistique m’a renversé. Il a eu un taux de réussite de 100% sur ses deuxièmes services (15 en 15). Cette année, il est à 50%.
En entrevue après le match, Félix a rapidement souligné que ce n’était pas un match comme les autres pour lui.
Il est arrivé à Paris avec des ambitions et une bien meilleure préparation qu’à Tokyo, où il s’était fait battre dès le premier tour contre l’Australien Max Purcell, qui avait pu jouer grâce au forfait d’Andy Murray.
«C’est un très grand soulagement, a avoué Félix. Ça avait été très difficile à Tokyo. De savoir qu’aujourd’hui, si je perds, mon prochain match olympique est dans quatre ans […] il ne fallait pas rater aujourd’hui», a-t-il ajouté.
Il se donne un 10 sur 10? «Non, il y a toujours place à l’amélioration. Je pense qu’un 8 ou 9, c’est une très bonne note pour commencer un tournoi », a-t-il répliqué en mentionnant qu’il s’était préparé «comme si c’était le tournoi le plus important de l’année».
Et on a bien vu qu’il ne fallait pas en douter.
La dernière fois que j’avais vu Félix en présentiel, c’était à Wimbledon en 2023. Il connaissait alors les pires moments de sa carrière.
Je me répète, mais c’était un autre joueur dimanche. Rien ne semblait le déranger. Pas de simagrées. Pas d’yeux au ciel. Pas de frustration. Pas de cérémonie interminable de concentration avant chaque service. Pas de longues pauses dès qu’il y a un coup de vent.
C’est sûr que lorsque tu écrases autant ton adversaire, tout ça arrive moins. Mais c’est rassurant de voir un Félix qui semble inébranlable et qui lève le poing dès les premiers instants du match pour afficher sa confiance.
Félix a toujours affiché son amour de jouer pour son pays. Il a évidemment été le héros du Canada lors de la conquête de la Coupe Davies en novembre 2022. C’est le moment où le Québécois a offert le meilleur tennis de sa carrière. Il a aussi été solide lors de ses trois présences en Coupe Laver. La seule fois où il a contre-performé, c’était aux Jeux de Tokyo. Mais on peut être un peu indulgent. Il avait 20 ans.
Il admet lui-même adorer jouer dans des circonstances collectives. «C’est différent. Là, on est dans l’esprit d’équipe. On passe plus du temps ensemble en équipe. C’est quelque chose que j’apprécie […] J’espère ne jamais rater d’olympique dans ma carrière», a-t-il raconté.
«Pour moi, ça fait plaisir de faire partie de quelque chose de plus grand».
Félix n’aura pas beaucoup de repos. Il se mesurera lundi au vainqueur de la confrontation entre l’Allemand Maximilian Marterer, 111e raquette au monde, et le Serbe Dusan Lajovic, 53e. Félix a battu le premier à son seul match contre lui et Lajovic a eu le dessus sur le Québécois lors de leurs trois duels.