William L. Calley Jr, le criminel de guerre le plus célèbre de l’histoire militaire américaine est décédé. Le Washington Post a découvert qu’il était mort en Floride en toute quiétude le 28 avril dernier, à l’âge de 80 ans. Selon moi, il aurait dû être condamné à mort et exécuté il y a bien longtemps.
Le matin du 16 mars 1968, le sous-lieutenant Calley, 24 ans, a conduit environ 100 soldats américains dans le hameau de My Lai (centre du Vietnam) où plus de 500 femmes, enfants et vieillards vietnamiens ont été tués en utilisant des armes automatiques, des grenades et des baïonnettes.
Des familles ont été assassinées avec des grenades lancées dans un fossé de drainage où elles avaient été entassées. Des bébés et des enfants ont été «baïonnettés» à mort. Des femmes et des filles, dont certaines âgées de 10 ans, ont été violées collectivement avant d’être tuées.
Bien que les supérieurs du lieutenant Calley aient été rapidement mis au courant de ce qui s’était passé, l’épouvantable massacre a été dissimulé. Des rapports militaires ont qualifié la mission de réussite. Calley a reçu une promotion et une médaille. Il a fallu plus d’un an à un jeune journaliste d’enquête, Seymour Hersh, pour qu’il découvre et révèle l’atrocité, remportant un prix Pulitzer pour son travail.
«Je n’ai fait qu’obéir aux ordres»
Calley fut l’un des 25 militaires, dont deux généraux, accusés dans cette affaire. Les charges contre les généraux ont été abandonnées. Tous, à l’exception de Calley, ont été acquittés.
Il a été accusé d’avoir personnellement tué 102 civils dont l’âge variait entre 1 et 82 ans qu’il a abattus de rafales de son arme automatique. Comme c’est généralement le cas pour des militaires accusés de crimes de guerre, Calley s’est défendu en affirmant qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres. C’est le refrain qu’entonnaient les nazis à Nuremberg.
Reconnu coupable de meurtre prémédité, il a été condamné à la prison à vie. La Maison-Blanche et le Congrès ont immédiatement été inondés de protestations contre la sentence. Des gouverneurs ont dénoncé le verdict tandis que des législatures d’État demandaient la clémence ou le pardon présidentiel. Même Jimmy Carter, alors gouverneur de Georgie, a qualifié la sentence de «coup porté au moral des troupes».
Le président Nixon a rapidement fait libérer Calley de prison. Puis, un juge a annulé sa condamnation, affirmant qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Libéré, il n’est jamais retourné en détention.
Plus ça change, plus c’est pareil
En novembre 2019, Trump a gracié Eddie Gallagher, un chef de peloton des Navy Seals reconnu coupable de crimes de guerre en Irak: il s’état fait photographié avec le cadavre d’un adolescent djihadiste prisonnier qu’il venait de tuer à l’aide d’un couteau de chasse.
Deux autres soldats américains accusés de crimes de guerre en Afghanistan ont aussi bénéficié de la clémence de Trump qui voulait plaire à sa «base». Cent vingt-quatre mille personnes avaient signé une pétition lui demandant de gracier un de ces militaires qui avait donné l’ordre de tirer sur des civils afghans. Les États-Unis n’enquêtent que très rarement sur les tortures, les viols et les assassinats commis par leurs soldats. Les donneurs de leçon aiment mieux regarder dans l’autre direction. Seuls leurs ennemis – comme les Russes – se rendent coupables de tels crimes. Et lorsque des Américains sont traduits en justice pour crimes de guerre, ils sont acquittés, reçoivent des peines sans commune mesure avec la gravité des actes commis ou sont tout simplement graciés.
My Lai n’était pas une aberration. Des archives de l’armée américaine, cachées pendant trois décennies, décrivent 300 autres cas possibles de crimes de guerre au Vietnam de 1965 à 1973.
Combien d’autres crimes de guerre commis au Vietnam, en Afghanistan, en Irak et ailleurs sont-ils dissimulés à jamais dans les archives du Pentagone?