Un Montréalais de 75 ans dort depuis trois semaines dans son quadriporteur sous un balcon du quartier Hochelaga–Maisonneuve. Des conditions insoutenables qui montrent une réalité: la crise de l’itinérance qui frappe le Québec est encore plus difficile pour les personnes à mobilité réduite.
«C’est ici que je me mets à l’abri», dit Yvan Coulombe. Ce plombier à la retraite vit sous un balcon depuis le 23 juillet. Il dort sur son quadriporteur avec une petite couverte pour se tenir chaud le soir.
«Des amis en haut viennent m’aider à mettre la bâche, […] ça fait comme une petite tente. Au moins, je suis protégé de la pluie.»
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Dehors devant chez lui
Pour sa toilette, il va au CLSC le plus proche, celui d’Hochelaga-Maisonneuve, rue Ontario. Les voisins lui fournissent des repas et une prise électrique pour recharger son véhicule à quatre roues.
Il n’a pas choisi ce balcon par hasard. Il habitait pendant neuf ans au rez-de-chaussée de cet immeuble de la rue Préfontaine.
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Il en a été expulsé, pour n’avoir pas payé son loyer pendant dix mois, après une procédure au Tribunal administratif du logement intentée par le locateur Hébergement Humano.
«Ce n’est pas explicable le mal que ça donne en dedans», avoue Yvan Coulombe.
L’année dernière, le loyer de son logement subventionné a augmenté de 276$ par mois, selon lui, après avoir reçu un montant rétroactif de sa pension.
C’était trop pour cet ancien plombier à la retraite. «Si je payais, il ne me restait plus rien pour manger et vivre convenablement», se rappelle-t-il.
Des voisins indignés
«Je trouve ça terrible. Le monde est méchant», dit le voisin d’en face, Yvon Janvier.
«C’est injuste et inhumain», rajoute Diane Perron, une résidente du quartier qui vient prendre de ses nouvelles tous les jours. «Je suis très inquiète. Il n’y a pas de place nulle part.»
Des rénovations très chères
Yvan Coulombe dit avoir du mal à trouver une place en hébergement d’urgence à cause de son quadriporteur. Il ne peut pas se déplacer sans lui et ne veut pas s’en séparer par peur de se le faire voler.
«Ça me donne la liberté de faire mes commissions, de “vivre”, d’être social. C’est ma chose la plus importante.»
Le problème, c’est que les locaux des organismes à Montréal ne sont pas assez adaptés à la mobilité réduite, selon plusieurs acteurs du milieu.
«La plupart des refuges d’urgence n’ont pas cette option. Les organismes ont des locaux mésadaptés, comme des sous-sols d’église désuets», soutient Andréane Désilets, directrice générale de La Maison Benoît Labre.
Une personne à la rue à mobilité réduite, c’est «presque impossible à loger», confirme Émilie Fortier, vice-présidente des services chez Mission Old Brewery. «On est pris dans des locaux anciens, mal adaptés et compliqués à adapter.»
«Les choix sont limités par manque de financement», résume à son tour Jaëlle Bégarin, directrice générale de La Maison du Père. Son établissement serait le seul adapté à cette clientèle ultravulnérable à Montréal.
Les personnes avec un quadriporteur peuvent laisser leur véhicule dans un stationnement sécurisé et se déplacer à l’intérieur en fauteuil roulant… à condition que le refuge ait de la place.
Au Québec, 28% des personnes en situation d’itinérance souffrent d’un problème de limitation physique, selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux datant d’octobre 2022.