Une recherche publiée récemment rapporte que l’incidence de 17 types différents de cancers est plus élevée chez les jeunes millénariaux que chez les générations plus vieilles. La majorité de ces cancers en hausse sont directement liés à l’obésité, soulignant combien le surpoids hypothèque dramatiquement la santé des jeunes adultes.
Le cancer est une maladie causée par des gènes défectueux qui s’accumulent au cours du vieillissement et c’est pour cette raison que l’incidence de cancer augmente de façon exponentielle avec l’âge. Par exemple, alors qu’on observe environ 250 cas de cancers par 100 000 personnes âgées de 40-45 ans, ce nombre explose à presque 2500 cas par 100 000 entre 75-80 ans, soit 10 fois plus.
Cependant, l’expression de ces gènes procancéreux est dans la plupart des cas fortement influencée par le mode de vie : l’obésité, le tabagisme, la sédentarité et de mauvaises habitudes alimentaires (trop de viandes et de produits ultratransformés, pas suffisamment de végétaux) sont tous des facteurs qui créent des conditions physiologiques favorables au développement du cancer et qui accélèrent fortement le risque que la maladie se développe prématurément, parfois même dès le début de l’âge adulte. Autrement dit, même si le risque d’être touché par un cancer est en général plus faible chez les personnes jeunes, la jeunesse n’est pas une armure infaillible contre la maladie si le corps est soumis à des conditions propices à l’apparition et à la progression des cellules cancéreuses.
Cancers précoces
Ceci est bien mis en évidence par une étude récente où l’on a comparé les incidences de 34 cancers distincts entre les millénariaux (nés en 1990) et celles touchant les générations précédentes (1).
Pour comparer les taux de cancer entre générations, les chercheurs ont calculé les ratios de taux d’incidence et de mortalité spécifiques à chaque cohorte de naissance, séparés par des intervalles de cinq ans, de 1920 à 1990. Les données ont été ajustées pour l’effet de l’âge ainsi que du moment où les personnes vivaient (pour tenir compte des avancées médicales et de la hausse de l’espérance de vie).
Les chercheurs ont constaté que les taux d’incidence de 8 cancers augmentaient avec chaque cohorte de naissances successive née depuis 1920. Ceci est particulièrement frappant pour la cohorte de naissances de 1990 (les millénariaux) qui présentent un taux d’incidence de deux à trois fois plus élevé pour les cancers du pancréas, du rein et de l’intestin grêle que celui de la cohorte de naissance de 1955. Ils ont aussi noté que les taux d’incidence de 9 cancers (incluant le cancer du sein, de l’utérus et du côlon) ont augmenté dans les cohortes plus jeunes, alors que ces cancers étaient en baisse dans les cohortes plus âgées.
L’augmentation de l’incidence de plusieurs cancers chez les générations récentes suggère donc que ces personnes ont été exposées très tôt dans leur vie à des conditions qui accélèrent l’apparition de cellules cancéreuses et/ou leur progression en cancer mature.
Cancers liés au surpoids
Le surpoids de ces jeunes est un des plus importants facteurs en cause, car 10 des 17 cancers dont l’incidence augmente dans les cohortes de naissances plus jeunes sont des cancers liés à l’obésité (colorectal, rein, vésicule biliaire, utérus, pancréas, estomac, sein ER+, ovaire, myélome, foie). Ceci est vraiment frappant pour le cancer de l’utérus (endomètre), celui qui est le plus étroitement associé à l’obésité: comparativement aux cohortes plus âgées, le taux d’incidence de ce cancer a augmenté de 169% dans la cohorte de naissances de 1990. Ceci est en accord avec une étude récente qui montrait que l’excès de poids corporel au début de l’âge adulte (de 18 à 40 ans) était associé à un risque accru de 18 types de cancers (2).
Ces changements générationnels dans le risque de cancer sont une indication claire que le mode de vie actuel, caractérisé par la consommation élevée d’aliments ultratransformés, la sédentarité et le surpoids, est totalement incompatible avec le maintien d’une bonne santé. La lutte au surpoids devrait être une priorité nationale, comme l’a été la lutte au tabac, il en va de l’avenir de la santé des futures générations et de la survie de notre système de santé.
(1) Sung H et coll. Differences in cancer rates among adults born between 1920 and 1990 in the USA: an analysis of population-based cancer registry data. Lancet Public Health; 2024; 9 : e583.
(2) Recalde M et coll. Longitudinal body mass index and cancer risk: a cohort study of 2.6 million Catalan adults. Nat. Commun. 2023; 14: 3816.