Discrètement, sans qu’on s’en rende trop compte, le théâtre québécois est en pleine révolution tranquille.
En 1968, Les belles-sœurs de Michel Tremblay avait ouvert une nouvelle ère. D’un coup s’imposa chez nous un théâtre «québécois pure laine» avec des personnages qui s’exprimaient sur scène comme on le faisait à la maison et dans la rue. Jusque là, nos théâtres avaient surtout puisé dans le répertoire français et parlaient pointu, si j’excepte Gratien Gélinas, qui avait, avec Ti-Coq, fait un vaillant effort pour briser le moule.
Ces temps-ci, plusieurs de nos théâtres changent de directeurs ou de directrices, qui en profitent pour modifier leur direction. Duceppe, un théâtre qui n’avait guère évolué depuis sa création, fut le premier à faire demi-tour. Non sans bruit et sans douleur. On s’inquiétait de sa direction bicéphale – David Laurin et Jean-Simon Traversy – et, surtout, de son intention d’abandonner le répertoire habituel dominé par des adaptations de pièces américaines.
Leur audace – ou est-ce une certaine inconscience? – a permis à un nouveau genre de théâtre, encore plus québécois que celui de Michel Tremblay (et surtout plus contemporain), de se tailler une place au soleil. Duceppe a donné des lettres de noblesse à des œuvres aussi étonnantes que J’aime Hydro ou Run de lait et poursuivra en mars avec quatre représentations de Pas perdus d’Anaïs Barbeau-Lavalette et d’Émile Proulx-Cloutier. Le Théâtre d’Aujourd’hui avait présenté cette pièce documentaire en première.
Faire du bien
Depuis la semaine dernière, c’est le Rideau Vert qui s’ouvre à ce nouveau théâtre québécois avec Faire du bien, une œuvre un brin surréaliste de François Archambault et de Gabrielle Chapdelaine. Je ne devrais pas parler de ce spectacle dans ma chronique étant membre du conseil du Rideau Vert, mais cette pièce est une de ces occasions où le silence risquerait que trop d’amateurs la ratent, surtout que son titre n’est pas accrocheur.
Faire le bien est le portrait de la nouvelle génération de Québécois qui a son parler émaillé de mots anglais et d’expressions ayant cours à Paris et à New York et que le web et les réseaux sociaux ont mondialisé. Il faudra bien s’habituer à cette langue empruntée à tous les râteliers, car c’est celle qui sera la nôtre demain.
Ce n’est pas moraliste
Après avoir vu Faire le bien, j’ai lu le texte intégral. Ces jeunes comédiens, récemment diplômés de nos diverses écoles d’art dramatique, en font une superbe interprétation dont on perd, hélas! plusieurs répliques à cause d’une articulation souvent un peu molle. C’est à Claude Poissant, le metteur en scène, que revient l’exceptionnel mérite d’avoir donné à ce texte une unité et un sens qui ne sont pas si évidents à la lecture.
Courez voir Faire du bien, qui n’est pas une fable moraliste. Quoique…