Des enseignants devront commencer l’année sans matériel pour enseigner le nouveau programme de culture et citoyenneté québécoise, les manuels coûtant plus cher que ce que le ministère octroie à certaines écoles pour les acheter.
«On est bloqués», résume une enseignante du primaire de l’Estrie.
«Je le veux, le manuel. Je l’aime, il m’intéresse. Mais on ne peut pas le commander parce qu’on me dit que les budgets ne sont pas encore entrés», s’impatiente celle qui s’exprime sous couvert d’anonymat pour éviter les représailles de son employeur.
«Ce que je comprends, c’est qu’on me suggère d’attendre avant de commencer à l’enseigner. Mais quand je dis ça, on me répond: “Ben non, il faut que tu l’enseignes!”»
C’est cette année que le nouveau programme de culture et citoyenneté québécoise entre en vigueur dans toutes les écoles pour remplacer le controversé cours d’éthique et culture religieuse.
Bien que le nouveau contenu réjouisse bon nombre d’enseignants et d’élèves, plusieurs acteurs du milieu accusent le ministère d’avoir précipité son implantation.
Trop chers
Des enseignants de différentes régions ont rapporté au Journal que le coût des manuels serait supérieur à l’allocation versée à leur école par le ministère de l’Éducation.
Il s’agit des manuels qui sont achetés par les écoles et qui sont prêtés aux élèves d’une année à l’autre.
Au centre de services scolaire (CSS) de la Région-de-Sherbrooke, on dit recevoir 65,58$ par élève, confirme le service des communications. Au CSS de Laval, autour de 67$.
Or, la plupart des manuels déjà approuvés par le ministère pour ce cours se vendent à plus de 72$, trouve-t-on sur les sites web des différents éditeurs.
Contradictions
Le ministère a fourni au Journal un tableau des sommes allouées en fonction de chaque niveau du primaire ou du secondaire. Étrangement, elles sont assez élevées pour couvrir l’achat des manuels.
Quand on lui a demandé pourquoi certains CSS n’arrivent pas aux mêmes montants par élève, le ministère n’avait pas démystifié ces incohérences au moment de publier.
En attendant, des écoles doivent aller piger dans d’autres enveloppes pour couvrir la différence ou mettre les achats sur la glace.
«C’est un peu aberrant», dit Richard Bergevin, président de la Fédération des syndicats de l’enseignement.
«C’est pas qu’on n’a pas le goût de l’enseigner, le nouveau programme. C’est qu’on n’a pas encore la formation ni le matériel pour donner un enseignement de qualité», ajoute-t-il.
De son côté, l’Association nationale des éditeurs de livres explique que les coûts de production des livres ont beaucoup augmenté depuis 2019.
«Il ne fait aucun doute que le ministère de l’Éducation doit hausser les allocations pour soutenir les écoles dans l’achat de manuels», indique par courriel la directrice générale, Karine Vachon.
Retards
Un autre problème mentionné par plusieurs est le manque de diversité. «On n’a pas beaucoup d’options de matériel», déplore une enseignante de Laval, qui peine elle aussi à obtenir le seul et unique manuel déjà approuvé par le ministère pour le 1er cycle du primaire.
Le CSS de Laval précise d’ailleurs que c’est seulement au mois d’août que les écoles ont reçu la liste du matériel approuvé.
De plus, presque tous les «guides d’enseignement» qui s’adressent aux professeurs pour accompagner les manuels seront «approuvés ultérieurement», peut-on lire sur le site du ministère.