Lorsque Kent Hughes fait le récit de sa carrière d’agent, on fait un rapprochement avec le film Jerry Maguire. Comme le personnage interprété par Tom Cruise, Hughes a connu une traversée du désert dans ce travail. La compétition est féroce dans ce milieu. Il faut foncer tête baissée pour y faire sa place.
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Comme tout agent qui commence, Hughes connaît des débuts modestes. À sa sortie de Boston College, diplôme en droit en poche, il se joint à la firme de Jay Fee, qui est associé au légendaire Bobby Orr. Il rallie ensuite les rangs du cabinet American Sports Management établi en Floride, entreprise représentant surtout des joueurs de la NFL et de la NBA.
Hughes reçoit le mandat de démarrer une branche hockey. Bilingue, il concentre ses efforts sur le marché québécois.
Son tout premier client chez ce qui sera appelé «Impact Hockey» est Gregor Baumgartner, attaquant d’origine autrichienne évoluant avec le Titan de Laval qui sera repêché par le Canadien au deuxième tour du repêchage de 1997. Le Tricolore ne lui offre toutefois pas de contrat et il sera réclamé par les Stars de Dallas en 1999, cette fois au cinquième tour.
Alex Tanguay fait lui aussi partie de son écurie. Mais les choses tournent mal lorsque Hughes ne parvient pas à conclure une entente avec Pierre Lacroix, l’ancien agent converti directeur général de l’Avalanche du Colorado.
Tanguay quitte Hughes et retient les services de Robert Sauvé, premier client de Lacroix à qui il succède quand ce dernier délaisse l’agence qu’il a fondée au milieu des années 1970 pour le poste de DG des Nordiques.
Lecavalier arrive à point nommé
Au début des années 2000, Hughes est à la croisée des chemins. Il se pose des questions. Son épouse, Deena, et lui commencent à fonder une famille qui comptera trois enfants. Hughes approche Vincent Lecavalier, mais le temps passe sans que celui-ci lui donne une réponse.
«Je ne lui en ai pas parlé avant que l’on organise une soirée pour souligner sa retraite, mais le jour qu’il m’a finalement appelé, j’avais dit à ma femme que le moment était peut-être venu de me réorienter vers le droit», raconte Hughes.
C’est là que la porte s’est ouverte toute grande. Au moment où il s’engage dans les rangs de l’organisation du Canadien en janvier, son agence compte notamment parmi ses clients Patrice Bergeron, Kris Letang et Anthony Beauvillier.
Deena a accompagné et secondé son homme dans tout ce méandre.
«On s’est connus en cinquième année à l’école, indique Hughes.
«Elle habitait à Saint-Laurent, moi à Pierrefonds puis à Beaconsfield. Avant notre mariage, nous avons été six ans sans vivre dans le même pays. On a commencé à se fréquenter à ma quatrième année au Vermont.»
Plus précisément alors que Hughes étudiait au Middlebury College. Deena connaît son mari sous toutes coutures.
Et comment compose-t-elle avec son côté têtu?
« Jeff [Gorton] dit qu’elle a la patience d’une sœur!» lance Hughes en s’esclaffant.
Avoir été à sa place, son père n’aurait pas changé d’emploi
Le père de Kent Hughes a éprouvé des sentiments partagés lors de la nomination de son fils à titre de directeur général du Canadien. Emerson Hughes était heureux pour son garçon. Il estimait que le Canadien n’aurait pu trouver un meilleur candidat que son rejeton pour occuper le poste de DG à Montréal.
Or, il se demandait pourquoi son fils délaissait une entreprise qui lui avait apporté tout dans la vie. Deux belles propriétés, l’une à Boston et l’autre avec vue sur la mer à Cape Cod, où il est membre d’un chic club de golf. Il est aussi abonné d’un club de Boston.
Tout pour être heureux et comblé.
Avoir été à la place de son garçon, M. Hughes n’aurait pas délaissé ce style de vie. C’est ce qu’on lit dans un article du quotidien The Gazette publié quatre jours après que son fils s’est joint au Canadien.
«Mon père a toujours été différent, enchaîne Hughes.
«Il ne voulait pas que mon frère devienne joueur de hockey professionnel. Il voulait qu’il poursuive ses études.»
Hockey et études
Ryan Hughes a concilié les deux. Il a été repêché par les Nordiques de Québec au deuxième tour – 22e dans la LNH – du repêchage de 1990.
Après quatre saisons avec le Big Red de l’Université Cornell, il a joué deux ans avec les Aces de Cornwall, équipe-école des Nordiques dans la ligue américaine. Il a été ensuite embauché par les Bruins de Boston à titre de joueur autonome.
Kent a joué lui aussi au hockey. Il a porté les couleurs des Royaux du West Island dans la catégorie bantam AA, avant de jouer avec les Lions de Saint-Louis de la ligue midget, dont il devait plus tard être entraîneur. Son cheminement l’a ensuite conduit au Cégep de Saint-Laurent, avec qui il remporta le championnat de la Ligue collégiale AAA.
De là, il a déménagé au Vermont, où il fut capitaine de l’équipe du Middlebury College. Enfin, il a joué un an en Suède. C’est là qu’il a constaté que, malgré son désir de mener une carrière de joueur professionnel, il n’avait pas ce qu’il faut.
M. Hughes voyait plutôt ses deux fils dans le monde des affaires, un milieu dans lequel il avait passé sa vie en qualité de propriétaire d’un cabinet de chasseurs de têtes, profession qu’il pratiquait lui-même.
«Mon père nous disait que les gars à qui il trouvait des postes possédaient plus d’expérience de vie que nous. Il se fout du hockey, raconte le DG du Tricolore.
«La dernière fois qu’il a vu un match de la ligue nationale, c’était à Boston pour un affrontement entre les Bruins et les Stars de Dallas. Il était venu avant tout voir ma fille et le plus jeune de mes fils dans une rencontre pour enfants avant le match des Bruins pour lequel il n’est resté qu’une période.
«Je lui ai demandé ce soir-là quand il avait assisté à une rencontre de la ligue nationale avant ça. Il m’a dit que ça remontait au premier match de mon frère dans la LNH. C’était à l’époque du Forum.»
Comme quoi ça faisait un bail!