La Ville de Montréal a accordé une exemption de taxes pour un centre musulman où travaille un conférencier qui a célébré ouvertement les attaques du 7 octobre 2023 en Israël et fait l’apologie du groupe terroriste Hamas.
L’Association musulmane du Canada (AMC) a obtenu une exemption de taxes à partir de 2020 pour son immeuble situé rue Belmont, au centre-ville. Elle y héberge l’Institut canadien de la civilisation islamique (CIIC en anglais).
C’est Iyad AbuHamed qui a fait les représentations auprès de la commission municipale du Québec (CMQ) pour que l’AMC obtienne cet avantage. Dans sa décision, le juge administratif Léonard Serafini a d’ailleurs présenté M. AbuHamed comme «un dirigeant» de l’association musulmane.
Au cours des dernières semaines, notre Bureau d’enquête a recensé des discours et des écrits troublants diffusés par Iyad AbuHamed, dans lesquels il parle des attaques terroristes survenues il y a un an comme d’une grande victoire.
En août, il a appelé au djihad (guerre sainte), lors d’un événement appelé «Night of Rage» à Montréal. On rendait alors hommage à Ismaël Haniyeh, leader du Hamas (un groupe considéré comme terroriste par le Canada) assassiné en Iran.

Le compte Montreal4Palestine a fait une annonce pour un événement le 3 août appelé Night of Rage où l’on visait à rendre hommage à Ismail Haniyeh, un leader du Hamas assassiné en Iran. Lors de cet événement, Iyad AbuHamed a pris la parole et tenu des propos en faveur du djihad. Crédit photo: capture d’écran du compte Instagram de Montreal4Palestine
Capture d’écran du compte Instagram Montreal4Palestine
«Nous allons rester loyaux à Gaza et à la résistance. […] Nous n’allons pas changer ni faire acte de contrition. La voie des martyrs et des mujahideens. […] C’est un Djihad! C’est un Djihad!» a-t-il scandé en s’adressant à la foule.
En juillet, AbuHamed avait déjà prononcé: «C’est un Djihad! Victoire ou martyre!» lors d’une autre manifestation pro-palestinienne.
En 2021, AbuHamed avait déjà fait l’apologie du Hamas dans une publication sur Facebook.
Interrogé par notre Bureau d’enquête, AbuHamed nous a donné quelques explications sur ses propos au sujet du 7 octobre et du Hamas (voir autre texte). Il s’est défendu d’être le directeur du centre, mais il n’a pas voulu préciser son poste exact.
Notons que sur son site web, le Forum musulman canadien présente M. AbuHamed comme le «directeur» du CIIC, et que c’est lui qui parle au nom du centre dans un reportage de CityNews diffusé en avril dernier.
Aussi, en réponse à nos questions adressées au CIIC, nous avons reçu un courriel provenant d’Iyad AbuHamed via l’adresse manager@ciic.macnet.ca.
AbuHamed n’est pas le seul conférencier controversé associé au centre. Le centre a accueilli cet hiver Sami Hamdi, après qu’il eut été interdit de conférence à Concordia. Ce dernier avait enjoint un groupe à «célébrer la victoire», dix jours après les attaques en Israël qui ont fait plus de 1100 morts, dont de nombreux jeunes festivaliers, des enfants et des Canadiens. L’AMC s’est défendue à ce sujet (voir autre texte).

Sami Hamdi, un conférencier controversé qui a célébré les attaques terroristes du 7 octobre en Israël, a été annoncé comme conférencier au CIIC. L’Université Concordia avait annulé sa conférence précédemment. Crédit photo: capture d’écran tirée du CanadianMuslimPac.ca (trouvé sur Web Archives)
tirée de CanadianMuslimPac.ca
«L’enquête et l’analyse [de la Ville] ont révélé que les activités qui se tiennent dans les locaux visés rencontrent les critères prévus à la loi», a expliqué le porte-parole de la Ville, Gonzalo Nunez.
«La Ville ne commente pas les opinions personnelles exprimées par des individus. La Ville tient toutefois à rappeler que pour être exempt de taxes, un immeuble doit respecter certaines conditions notamment quant aux activités qui y sont exercées, conformément aux normes de la CMQ», a-t-il ajouté.
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L’objectif du centre est officiellement de bâtir des ponts entre musulmans et non-musulmans. Une visite de l’Institut était d’ailleurs annoncée en février sur les sites internet des universités Concordia et McGill.
Réagissant lundi à notre reportage, l’administration de la mairesse Valérie Plante a assuré ne pas avoir le dernier mot dans ce dossier.
• À lire aussi: Congé de taxes controversé: Montréal dit ne pas avoir le dernier mot

Le 7 octobre 2023, jour des attaques en Israël, Iyad AbuHamed a publié sur son compte Facebook une photo de personnes en paratentes. C’est en parapentes que des combattants du Hamas se sont infiltrés en Israël ce jour-là. Crédit photo: capture d’écran du compte Facebook d’Iyad AbuHamed
tirée de Facebook
LE 7 OCTOBRE, UN «MOMENT DE FIERTÉ», SELON LUI
Après que nous lui ayons posé des questions sur ses déclarations à la mi-septembre, Iyad AbuHamed a publié sur les réseaux sociaux un long message pour fournir certaines explications.
Dans une publication sur Instagram, Iyad AbuHamed reconnaît ne pas condamner les attaques du 7 octobre. Au contraire, il parle de cette date comme d’«un moment de fierté, enraciné dans le droit d’un peuple opprimé de résister».
«Les appels à la condamnation, en particulier du Hamas, sont des outils politiques visant à réduire au silence le soutien à la Palestine», estime-t-il.
Sans condamner le Hamas, il déplore que, selon lui, «si vous sympathisez avec les Palestiniens ou soutenez le droit d’un peuple occupé de résister, vous êtes étiqueté comme pro-Hamas».
Pour ce qui est de ses références au djihad, AbuHamed juge que «ce n’est pas un appel aux armes, mais un engagement profond à persister dans le combat pour la justice jusqu’à la victoire». Cette victoire est définie par lui comme «la liberté et les droits humains pour la Palestine», sans que la nature de cette liberté soit précisée.
L’AMC elle-même n’a pas voulu condamner les propos d’AbuHamed. «Il a le droit d’exprimer librement ses vues. L’AMC ne limite pas les libertés de ses employés, ni ne suit, appuie ou cautionne ses activités personnelles», a-t-elle indiqué par courriel.
L’AMC, UNE ASSOCIATION SOUPÇONNÉE D’ÊTRE LIÉE AU HAMAS
L’Association musulmane du Canada (AMC), qui bénéficie du statut d’organisme de charité et qui a reçu des millions $ d’Ottawa, est elle-même soupçonnée d’avoir des liens avec le Hamas.
Global et La Presse ont rapporté l’an dernier que l’AMC était dans la ligne de mire de Revenu Canada en raison du fait que certains de ses administrateurs et employés seraient impliqués dans «un apparent réseau de soutien au Hamas».
Selon ce qui ressort des procédures rapportées, l’AMC aurait notamment «conservé une relation de travail» avec Irfan-Canada, un organisme dont le statut caritatif a été révoqué en 2011. Un audit avait alors révélé qu’Irfan avait envoyé des millions à des groupes liés au Hamas.
Même après qu’Ottawa eut désigné Irfan comme une entité terroriste, en 2014, l’AMC aurait continué à en faire la promotion.
L’AMC a intenté un recours contre le fisc devant la Cour Supérieure de l’Ontario pour faire cesser l’audit de Revenu Canada en taxant le fisc d’islamophobie. Mais en septembre 2023, un juge a estimé qu’il était prématuré de trancher à ce sujet.
En juillet, l’AMC a à nouveau été déboutée en Cour d’appel. Il a toutefois été relevé que le fisc ne demandait plus la révocation du statut d’organisme de charité de l’AMC. En septembre, la même Cour d’appel a refusé que soient scellés de nouveaux documents produits dans ce dossier, comme le réclamait l’AMC.
«Étant donné que l’organisme n’est actuellement pas révoquée [sic], annulée, suspendue ou pénalisée, l’Agence ne peut pas fournir d’autres renseignements pour le moment», nous a indiqué Sylvie Branch, porte-parole de Revenu Canada. Elle a dit ne pas pouvoir commenter au sujet de l’audit.
Frères musulmans
Dans ses vérifications citées dans la presse l’an dernier, Revenu Canada note par ailleurs que l’AMC entretiendrait des liens étroits avec les Frères musulmans, un mouvement fondamentaliste égyptien. Global cite Revenu Canada selon qui l’idéologie des Frères est elle-même à la base «d’idéologies extrêmes qui encouragent, ou soutiennent, la violence et le terrorisme».

Iyad AbuHamed a publié sur Facebook une photo de lui avec Youssef al-Qaradawi, un chef spirituel des Frères musulmans (décédé en 2022), qui a déjà nié à Israël le droit d’exister et défendu les attaques terroristes contre le pays. Interrogé, AbuHamed l’a qualifié de «savant globalement respecté dans le monde musulman». Les accusations contre lui, pense-t-il, sont enracinées dans l’islamophobie.
photo tirée de Facebook
Selon Sécurité publique Canada, le Hamas est une émanation de «l’aile palestinienne des Frères musulmans, en 1987».
L’AMC aurait aussi reçu, selon le fisc, un financement substantiel de Qatar Charity, un organisme faisant partie d’un réseau de collecte de fonds pour le Hamas.
L’AMC SE DÉFEND
«Les articles publiés par Global News et La Presse après le 7 octobre étaient non seulement fallacieux, mais un effort délibéré d’endommager la réputation de l’AMC. Les deux publications ont faussement rapporté des allégations jamais faites par l’Agence du Revenu du Canada (ARC), ont pris des déclarations de l’ARC hors contexte, et ont négligé de prendre en considération une preuve substantielle fournie par l’AMC qui réfutait ces prétentions. Leur couverture a aussi minimisé la réponse de l’AMC. Les articles contribuent à une hausse de la haine anti-musulmane à la fois contre l’AMC et la collectivité musulmane plus large», a indiqué Lobna Elmezaini, porte-parole de l’AMC en réponse à des questions de notre Bureau d’enquête.
Pour ce qui est de Sami Hamdi, l’AMC a indiqué qu’il «a participé comme conférencier à un événement organisé par une tierce partie indépendante, qui a loué une salle dans un des centres de l’AMC. Après avoir revu les allégations et la réponse publique de M. Hamdi, l’AMC a établi que son explication démontrait clairement comment ses commentaires avaient été délibérément déformés. L’AMC demeure entièrement engagée à défendre la liberté d’expression et n’a pas l’intention de réduire au silence des partisans des droits palestiniens ni de cautionner des tentatives de les intimider.»
Avec la collaboration de Nicolas Brasseur, Yves Lévesque et Marie-Christine Trottier.