Ivan Demidov a-t-il été cloué au banc parce qu’il a refusé, trois fois, une prolongation de contrat du SKA de Saint-Pétersbourg le mois dernier? C’est du moins ce que rapporte en coulisses une source près de l’entourage de l’espoir du Canadien de Montréal.
«Ivan a refusé les trois fois, a affirmé notre source au téléphone. Il ne veut rien savoir d’une année supplémentaire avec le SKA.»
Une des offres déposées par le SKA serait de deux ans et d’une valeur moyenne de 40 millions de roubles, ce qui représente approximativement 560 000$ canadiens. «Avec des bonis qui peuvent dépasser la valeur du salaire annuel», nous a-t-on précisé.
Notre intervenant, qui a travaillé dans la KHL et même pour une équipe de la LNH au fil des ans, assure que la baisse du temps de jeu du jeune attaquant est directement liée à sa situation contractuelle avec le SKA.
«Ce n’est pas comme s’il jouait mal, a-t-il souligné. Il a été très bon, surtout pour un joueur de 18 ans. Il fait des choses fantastiques sur la patinoire. D’ailleurs, Evgeny Kuznetsov l’a encensé. Kuznetsov voulait avoir un compagnon de trio comme lui, qui lui permettait de jouer le style de jeu qui lui plaît. Demidov et lui ont des atomes crochus.
«Pour l’entraîneur-chef Roman Rotenberg, la situation contractuelle est un enjeu très important.»
Et Demidov, avec qui notre source dit avoir des contacts réguliers, savait apparemment à quoi s’attendre avant même que la saison commence dans la KHL. Lorsqu’il a été repêché par le Canadien, ses intentions de débarquer en Amérique du Nord en 2025-2026 étaient connues.
«Il savait que ce serait difficile», a mentionné notre source.
D’ailleurs, l’agent de Demidov, Dan Milstein, refuse d’émettre le moindre commentaire au sujet de son client tant et aussi longtemps que ce dernier évolue dans la KHL. On comprend certainement ses motifs.
Comme Romanov à l’époque
Ce qui ne colle pas a priori dans cette histoire, c’est: pourquoi ce chantage? Comment le SKA peut-il en déduire que cette approche donnera envie à Demidov de rester dans le giron de l’équipe plus longtemps que prévu?
«Tu perds ton temps en essayant de trouver une logique, a répondu notre source. Rotenberg a fait le coup à plusieurs autres joueurs par le passé. Il ne comprend pas que tu as besoin de t’y prendre par d’autres moyens pour convaincre un joueur avec son potentiel de rester.»
Le chantage est en fait une stratégie commune avec les jeunes joueurs de la KHL; une pratique qui n’est certainement pas exclusive au cas de Demidov. Lors d’une entrevue au mois d’avril 2020, l’ancien gourou du repêchage du Canadien, Trevor Timmins, avait expliqué aux médias que la baisse du temps de jeu d’Alexander Romanov avec le CSKA de Moscou était directement liée à sa volonté de jouer prochainement dans la LNH.
En fait, au sein du SKA seulement, les exemples sont nombreux dans l’histoire récente. En voici quatre.
Octobre 2020, le blogue Canucks Army titre: «Pourquoi Vasili Podkolzin est cloué au banc en Russie». Le choix de premier tour des Canucks de Vancouver en 2019, 10e au total, se retrouve laissé de côté par le SKA après un début de saison prometteur. Il est retranché de la formation lors des matchs des 19, 22 et 26 octobre. L’année suivante, il débarque en Amérique du Nord.
Saison 2021-2022: l’attaquant Ivan Morozov, choix de deuxième tour des Golden Knights de Vegas (61e au total) en 2022, est utilisé à profusion par le SKA. Son temps de jeu atteint même à deux occasions la barre des 20 minutes. Or, les 25 et 29 novembre, il se contente de 13 et 10 minutes respectivement contre l’Ak Bars et le Severstal avant d’être prêté à Sochi. Une fois la saison de Sochi terminée, Morozov rejoint la filiale des Golden Knights de Vegas dans la Ligue américaine de hockey.
Cette même saison, Kirill Marchenko l’amorce de belle façon avec le SKA. Après huit matchs, il revendique sept points, dont cinq buts. Mais du 13 au 29 octobre, il joue sept matchs consécutifs sous la barre des 10 minutes. Le SKA continue de l’employer sporadiquement, mais il termine néanmoins la saison avec 20 points en 39 rencontres. L’année suivante, il rejoint les Blue Jackets de Columbus.
Encore en 2021-2022, Yaroslav Askarov, le gardien le plus prometteur en Russie, se contente de six apparitions avec le SKA et accorde en moyenne moins de deux buts par match. C’est dans la VHL, le deuxième échelon russe, qu’il passe l’essentiel de la campagne avant de signer au mois de mai son contrat d’entrée dans la Ligue nationale avec les Predators de Nashville.
La VHL, une option?
Toujours selon notre source, Demidov serait ouvert à l’idée de jouer dans le deuxième échelon russe, la VHL: «Il serait à l’aise avec ça si cela signifie jouer 20 minutes par match.»
Il serait surprenant que Demidov soit rétrogradé, cependant.
«Roman sent la pression de la part des médias et de l’extérieur de donner plus de temps de jeu à Ivan, car Ivan est excellent lorsqu’il embarque sur la glace. Quand il joue de trois à cinq minutes, chacune de ses présences est incroyable, il réalise des jeux créatifs.
«Il ne peut pas le rétrograder, puisqu’Ivan est trop bon.»
La pression de faire jouer Demidov commence vraisemblablement à peser sur Rotenberg. Lors du match de mardi contre le Neftekhimik de Nijnekamsk, Rotenberg a confié plus de 13 minutes de jeu à Demidov pour la première fois depuis le 27 septembre.
Coach dans l’âme, vraiment?
La crédibilité de Rotenberg en tant qu’entraîneur pur et dur fait l’objet de débats. Lorsqu’il a pris la place de Valeri Bragin derrière le banc du SKA en 2020, il n’avait aucune expérience en tant qu’entraîneur ou joueur au niveau professionnel.
«C’est plus un manager [qu’un coach], a illustré notre source. Il assemble la formation et déploie les joueurs lors du match, mais les entraînements du SKA sont supervisés par ses adjoints.»
On peut aussi se demander si Rotenberg a créé au sein de son équipe un climat propice à l’introspection.
«Il déteste la critique, a raconté notre intervenant. Il veut seulement entendre de bonnes choses à son égard. Les membres de son personnel sont comme ça aussi.»
Fils de l’oligarque et ami d’enfance de Vladimir Poutine Boris Rotenberg, Roman exerce beaucoup d’influence au sein de la fédération de hockey russe. Il a contribué à faire du SKA l’équipe la plus fortunée de la KHL, mais aussi la plus proche du Kremlin.
Ses propos au fil des ans ont parfois mis à mal sa crédibilité. Il s’est entre autres comparé à José Mourinho, s’est vanté d’avoir regardé 800 matchs de hockey depuis 2014 (une expérience précieuse, disait-il) et y est allé d’une métaphore douteuse avec la fin du siège de Leningrad après que le SKA eut mis fin à une série de défaites.