Le système de santé au Québec va de mieux en mieux selon le ministre responsable de la santé, Christian Dubé. Vraiment ?
Je ne suis pas spécialisé en gestion d’entreprise, ni en économie, mais l’observation et les rapports dont je prends connaissance sont loin d’aller dans le sens d’un système fonctionnel. Et ce, particulièrement dans le cas des 2.1 millions de Québécois qui n’ont pas de médecin de famille (selon l’institut national d’excellence en santé et en services sociaux, l’INESSS).
Il y a quelques mois, pour avoir un rendez-vous avec un médecin, le patient orphelin devait composer le 811, attendre plusieurs heures au bout du fil, pour enfin se faire dire qu’il n’y avait pas de place de disponible.
Les patients orphelins
Aujourd’hui, tout a changé, car le ministre Dubé a réorganisé le système. Il faut aller maintenant sur internet à Rendez-vous Santé Québec (RVSQ), attendre qu’on vous rappelle quelques jours plus tard, pour enfin vous faire dire qu’il n’y a pas de place de disponible.
Cela est aberrant, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, le gouvernement (comme plusieurs de ses institutions) a un devoir d’action et non de résultats. Dans son bilan annuel, monsieur Dubé pourra inscrire qu’il a procédé à des changements significatifs en matière d’organisation de la santé. Mais qu’en est-il des résultats ? Peu importe le résultat, nous nous sommes attaqués au problème et en cela, nous pouvons cocher la case à cet effet.
Deuxièmement, il ne faut pas être expert en fiscalité pour constater que 2.1 millions de Québécois donnent parfois jusqu’à 50 % de leur salaire (impôt fédéral et provincial) en échange de service qu’ils ne reçoivent pas. Pourtant, il s’agit d’un contrat entre les gouvernements et le contribuable. Je vous donne la moitié de mon salaire en échange de services que je ne reçois pas ?
Des effets concrets
Cette situation a des effets concrets sur la vie des gens, particulièrement les personnes âgées. Lorsqu’un patient de 65 ans a contacté récemment une intervenante du RVSQ pour avoir un bilan de santé (qui se résume à une prise de sang analysée minutieusement), l’infirmière lui a répondu gentiment que cela n’était plus possible au Québec, car le système de santé n’arrive plus à répondre aux problèmes de santé urgents.
Alors vous croyez que de faire un bilan de santé ne permettra pas de réduire les demandes urgentes de façon préventive ? répondit l’homme. À cette question, l’infirmière acquiesça sans plus. Puis, le patient poursuivi : Et alors, comment puis-je faire pour avoir un bilan de santé ? Je dois aller au privé ? L’infirmière répondit : « Je n’ai pas le droit de vous dire ça, mais oui ».
Or ce que je constate, c’est que non seulement les soins de santé sont inaccessibles pour près de 25 % de la population québécoise, mais ce qui me semble encore plus grave, c’est que les intervenants ont l’obligation de le cacher par ordre du ministère de la Santé. Et cela m’interpelle au plus haut point comme professionnel dans le domaine de la psychologie humaine. Car, vous savez comment se nomme une organisation qui cache des problèmes, consciente de ne pas remplir ses obligations et qui continue néanmoins d’en retirer des bénéfices années après années (ici, via l’impôt) ?
Il est donc de notre devoir citoyen de dénoncer l’impact réel de la mauvaise gestion de la santé au Québec. Ne serait-ce-t-il pas le temps d’apporter un peu plus d’équité et d’indemniser les patients orphelins pour des soins qu’ils iraient chercher dans le réseau privé, par exemple ? Et surtout, ne serait-il pas le temps de faire de notre santé une priorité au Québec ?
Frankie Bernèche, Ph.D.
Professeur de psychologie