Les Québécois qui ont reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer pourront faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir dès le 30 octobre. À la façon d’un testament, ils pourront remplir formulaire en prévision du moment où ils ne pourront plus consentir aux soins. Réclamé depuis longtemps, cet élargissement est accueilli avec soulagement par des malades, même si des médecins ont des réserves sur sa mise en pratique.
Un fort désir d’autonomie et un rejet de la religion peuvent expliquer pourquoi les Québécois sont les premiers au monde à avoir recours à l’aide médicale à mourir.
«Ça épouse les valeurs québécoises», croit le sociologue Jacques Roy, professeur associé, à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), à propos de l’aide médicale à mourir (AMM).
D’avril 2022 à mars 2023, un total de 5211 personnes ont reçu l’AMM, soit 6,8% des décès, selon la Commission sur les soins de fin de vie. Elle prévoit que cette année, ce seront plus de 6000 personnes qui se verront administrer l’AMM.
Devant les Pays-Bas
Par million d’habitants, c’est plus qu’ailleurs au Canada et en Belgique, par exemple. Aux Pays-Bas, premier pays à avoir légalisé l’euthanasie, les demandes ne dépassent pas le 6% des décès comme au Québec.
C’est pour comprendre pourquoi, que le Consortium interdisciplinaire de recherche sur l’aide médicale à mourir (CIRAMM) a été mis sur pied.
La co-responsable et professeure à l’Université d’Ottawa, Isabelle Marcoux, explique qu’en moins de 10 ans après la mise en place de l’AMM, le Québec «est devenu l’endroit qui en fait le plus».
Elle estime que la province en parlait depuis longtemps avant de la légaliser, comme hypothèse. Mais le Consortium ne fait que commencer ses recherches.
Plus en région qu’à Montréal
Il compte notamment s’intéresser aux disparités régionales à l’intérieur même de la province, qui montrent que les Québécois de Lanaudière, du Bas-Saint-Laurent et de la Capitale-Nationale y ont plus recours qu’à Montréal.
Selon lui, la population a adopté l’AMM par un désir d’autonomie, une valeur phare des Québécois. Tout comme la recherche constante d’améliorer sa qualité de vie, menant à vouloir mourir sans souffrances, par exemple.
Il cite aussi le recul de la religion, beaucoup plus fort au Québec que dans l’ouest du pays, notamment. M. Roy voit aussi une désacralisation des formes d’autorité, qu’elles soient politiques, religieuses ou professionnelles.
«Ce n’est pas le médecin qui va venir me dire si je souffre assez», illustre-t-il.
Pourquoi pas?
Pour le président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD), Georges L’Espérance, les chiffres n’ont pas d’importance, tant que la demande vient du patient et remplit les critères stricts déjà en place.
«Pourquoi pas 10 ou 15% [des décès]? Quel est le problème?», demande-t-il.
Les soins palliatifs demeurent méconnus
Les soins palliatifs cohabitent bien avec l’aide médicale à mourir au Québec, mais ils demeurent encore méconnus selon des experts.
«L’accès aux soins palliatifs est encore nettement insuffisant pour plusieurs populations, autant en quantité qu’en qualité», déclare la codirectrice du Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL), Diane Tapp.
Dans son dernier rapport, la Commission sur les soins de fin de vie soulignait que les Québécois ont «besoin d’information concernant les soins palliatifs en général».
Mme Tapp estime que les soins palliatifs peuvent soulager les souffrances de patients atteints de maladies chroniques, par exemple. Elle voit encore beaucoup de malaise à aborder les niveaux de soins auprès des aînés en CHSLD.
«Ils se retrouvent à l’urgence où leur état se détériore, alors que ça aurait pu être autrement», dit-elle, ajoutant qu’il faut se débarrasser de la perception d’abandon ou de ne pas avoir tout tenté.
Surtout lorsque des opérations à un âge avancé risquent d’apporter beaucoup de douleurs et de souffrances.
Lâcher-prise
«On n’a pas cette discussion du lâcher-prise, alors qu’il ne s’agit pas de laisser les gens mourir en souffrance», renchérit le gériatre et chercheur Thomas Tannou.
Selon lui, les transferts à l’urgence des patients en CHSLD ne devraient pas nécessairement être un automatisme, puisqu’il est possible d’offrir des soins de confort lorsqu’une personne chute gravement ou attrape une infection, par exemple.
Vous pouvez consulter le guide du ministère de la Santé et des Services sociaux ici.