André Pratte fut longtemps l’éditorialiste en chef de La Presse.
Il est aujourd’hui président de la commission politique du PLQ après avoir été sénateur à Ottawa.
Avec trois collaborateurs, il nous livre une critique du document du PQ sur les finances d’un Québec souverain rendu public l’an dernier.
C’est de bonne guerre.
Choix
Pendant que je lisais la critique de ce groupe rebaptisé la «Pratte patrouille» par le chef du PQ, je me disais que les souverainistes devraient allumer des lampions pour remercier Jean Charest jusque dans l’au-delà.
Le jour où Jean Charest a déclaré que la viabilité d’un Québec souverain ne pouvait plus être sérieusement mise en doute, il a tiré le tapis sous les pieds de tous les scénaristes de l’apocalypse.
Depuis, tous les opposants au projet sont contraints à la modération sous peine de faire rire d’eux.
Je les devine un peu frustrés. Ils auraient préféré avoir le crayon plus aiguisé.
Le document de la Pratte patrouille reste tout de même étrange à bien des égards.
L’exercice fait par le PQ reprenait la méthodologie des premières études sur les conséquences de la souveraineté, c’est-à-dire les études Bélanger-Campeau du début des années 90.
Au lieu de spéculer sur les choix différents que ferait un Québec souverain, le PQ a fait comme si les mêmes choix étaient reconduits mécaniquement dans le futur.
Dans les faits, le Québec ferait parfois les mêmes choix, parfois des choix différents, et parmi ces derniers, des choix parfois plus économiques, parfois plus coûteux.
Dans les faits, nous ne sommes plus au début des années 90. La dette fédérale et la fonction publique fédérale ont explosé sous Justin Trudeau.
Dans les faits, les services que nous recevons d’Ottawa valent-ils les dizaines de milliards que nous lui envoyons? Hmm…
La dette fédérale n’appartient qu’à Ottawa. Dans les négociations pour son partage, je ne suis pas sûr que le Québec, bon joueur, aurait le plus petit bout du bâton.
Au total, selon toute vraisemblance, la souveraineté ne serait ni l’apocalypse ni le pactole, et entraînerait des premières années de gros, gros boulot.
Dès lors, demande la Pratte patrouille, si nous ne sommes pas sûrs de «vivre mieux» sur le plan matériel, pourquoi faire l’indépendance?
Euh, attendez, voyons voir, euh… peut-être pour ne plus être insultés à longueur d’année, pour préserver notre langue et nos valeurs, pour mieux contrôler l’immigration, pour décider nous-mêmes?
Foutaises que tout cela! Nous parlons ici à des é-co-no-mis-tes, monsieur…
Trudeau
À bien y penser, à côté des lampions de remerciement à Jean Charest, j’en installerais une deuxième rangée pour remercier Justin Trudeau.
Pensez-y. Des gens se donnent la peine de prendre le temps de critiquer un scénario dans lequel le Québec devient un pays.
Vous auriez imaginé ça il y a deux ans?
Et moi qui m’étais fait dire que tout ça était terminé, mort, incinéré, et les cendres jetées dans le bac de la bonne couleur.
Hé ben…