Depuis des années, les intervenants du milieu de la motoneige, et même le gouvernement, se vantent d’avoir au Québec le plus imposant réseau de sentiers interconnectés au monde, avec 33 000 kilomètres. Il se pourrait fort bien qu’à compter de cet hiver, ce titre ne soit plus vrai.
Depuis des mois, les motoneigistes sont pris en otage dans des conflits où ils ne sont pas directement impliqués. Dans les faits, ils sont les boucs émissaires parce qu’ils ont un côté très vulnérable : les droits de passage.
Depuis 50 ans, le concept des droits de passage, accordés aux clubs de motoneige pour pouvoir bâtir leurs sentiers, a toujours été un échange de bonne foi entre les différents groupes qui les leur accordent. Mais, aujourd’hui, plusieurs embûches viennent complètement défaire ce concept qui fonctionnait pourtant si bien. S’il fallait payer pour tous ces droits, ça serait la fin parce que les coûts du droit d’accès annuel pour les motoneigistes exploseraient.
Voici des exemples de ce qui se passe et qui pourrait mettre en danger le réseau, dans sa forme actuelle.
Présentement, les gens de l’industrie du bois de sciage ont des demandes face au gouvernement. Ils menacent de ne plus accorder de droits de passage aux motoneigistes sur les territoires qu’ils occupent. Plusieurs clubs utilisent les chemins forestiers fermés en hiver pour bâtir leurs sentiers. Certains ont affirmé qu’au printemps, en raison des sentiers, la fonte de la neige était plus lente. Pourtant, dans bien des cas, les clubs utilisent de la machinerie pour ouvrir rapidement ces chemins forestiers et les rendre accessibles pour les véhicules.
Les otages d’un conflit
Dans la région de Portneuf, le club Saint-Raymond est aux prises avec un litige concernant le sentier qui passe sur la zec Batiscan-Neilson. On demande une compensation financière pour que les motoneigistes puissent passer dans le sentier. Les responsables de la zec demandent le même montant qu’ils obtiennent de la part de la Fédération québécoise des clubs quad, aux environs de 165 $ du kilomètre. S’il n’y a pas d’entente, ils vont tarifer les motoneigistes qui vont passer sur leur territoire. Les motoneigistes deviennent les otages d’un conflit entre des tiers.
Le même genre de situation se vit à la grandeur du Québec. Un peu partout, des gens qui veulent obtenir gain de cause dans un dossier menacent de couper le passage aux motoneigistes. Les zecs demandent de l’argent pour continuer à laisser passer les motoneigistes sur les sentiers qui traversent leurs territoires. Si jamais cette façon de faire, soit de payer pour un droit de passage partout au Québec, devenait réalité, c’est la fin du réseau de sentiers de motoneige comme nous les connaissons au Québec.
Une réalité difficile
Alors que plusieurs personnes dénigrent le monde de la motoneige, ils devraient mieux s’informer sur ce qui se passe vraiment.
« Depuis 2006, les manufacturiers sont obligés de suivre des règles très sévères en termes de pollution et d’émanations des moteurs. Ils ont créé une gamme de motoneiges qui sont beaucoup plus performantes dans ces domaines, explique Michel Garneau, rédacteur en chef de la revue Motoneige Québec. Certes, il ne peut pas y avoir de point zéro, parce que ce sont des véhicules à moteur. Beaucoup de ces gens qui disent protéger la planète voyagent en avion, le moyen de transport considéré comme l’un des plus polluants. »
Certains délinquants contribuent directement à créer cette mauvaise réputation, en agissant sans discernement, que ce soit avec le vagabondage ou en pratiquant le hors-piste sans respecter la nature et les terrains privés.
Dans la société, la pratique de plusieurs activités peut parfois déranger certaines personnes. Très souvent, les gens oublient le dicton « vivre et laisser vivre ».
« Selon une étude menée en 2010 par la Coalition nationale des sentiers, 42,1 % de tous les sentiers récréatifs aménagés du Québec sont gérés à la base par les clubs de motoneigistes, mentionne l’expert. Une fois l’hiver terminé, plusieurs de ces sentiers profitent aux marcheurs, aux randonneurs, aux amateurs de vélo et plus.
« À l’échelle canadienne, 66,4 % des sentiers récréatifs du pays sont gérés par les communautés de loisirs motorisés », ajoute-t-il.
Impact économique
Il faut aussi considérer l’impact économique de la pratique de la motoneige dans plusieurs régions du Québec, en hiver, lorsque plusieurs autres loisirs sont à l’arrêt. Les gouvernements (taxes), les fournisseurs de services, les concessionnaires et autres profitent tous des retombées de la pratique de la motoneige.
Les motoneigistes fonctionnent selon le principe de l’utilisateur-payeur. Avec les clubs, ils contribuent aussi à assurer la disponibilité de plusieurs infrastructures en forêt. Des ponts, des ponceaux, des passerelles sont bâtis et payés par les motoneigistes et utilisés par de nombreuses personnes adeptes d’autres loisirs en nature.
La pratique de la motoneige sera toujours décriée par bien des personnes qui ne sont pas au courant du dossier. Au-delà de tous ces préjugés, il faut comprendre que nous vivons dans une société où les gens ont le droit de pratiquer les loisirs qu’ils veulent.