Sur Facebook, ces temps-ci, je fais preuve de transparence et montre tout ce qui est dégueulasse avec le maudit cancer que je combats.
Mes plaies, les poches pipi que je dois remplir et vider, les difficultés de faire un numéro 2 quand tu as un tuyau dans le Popeye, etc.
Narcissisme? Non: je veux faire peur aux gars.
Pour qu’ils aillent se faire tester au plus sacrant.
On est comme ça, les hommes: si on n’a pas la chienne, on ne bouge pas. Rien de mieux pour convaincre un gars de passer un test de prostate que de lui raconter ce qui pourrait arriver à son Popeye s’il refuse de se faire mettre un doigt dans le cul.
C’est encore plus efficace que les photos de grosses langues mauves sur les paquets de cigarettes.
Une trachée trouée? Bof.
Mais un Popeye rabougri, ça, non!
Y a quand même des maudites limites…
AVEC PAS DE MÉDECIN
Le hic, c’est que c’est bien beau, dire aux gars d’aller se faire tester, mais comme un ami m’a écrit: «Je n’ai pas de médecin de famille, je ne saurais même pas par où commencer…»
Dans notre système, tu ne peux pas prendre rendez-vous directement avec un spécialiste, tu dois absolument passer par ton médecin de famille, qui va te dire: «Tu veux te faire tester parce que tu as plus de 40 ans? Pas de problème, voici une recommandation, tu peux maintenant appeler une clinique d’urologie, donne-moi ta carte d’assurance maladie, tchick-a-tchick, merci, bonsoir!»
Ça prend six secondes et demie.
Et un patient de passé, un!
Mais si tu n’as pas de médecin de famille, tu fais quoi?
Vous imaginez si c’était comme ça dans le domaine de l’alimentation? Être obligé d’avoir une «recommandation officielle» d’un épicier pour pouvoir entrer dans une boucherie et acheter un steak?
Les gens capoteraient.
Or, c’est comme ça dans le système de santé.
On n’arrête pas de nous répéter: «Faites-vous tester, faites-vous tester», mais si tu n’as pas de médecin de famille et que tu n’as pas assez d’argent pour aller au privé, bonne chance!
Tout ce qui te reste, comme option, est de demander à un ami garagiste de baisser ton pantalon, d’allumer sa flashlight et d’aller vérifier l’état de ton caliper…
LE GÂTEAU DE GRAND-MAMAN
Notre système de santé est schizophrène.
Il a deux personnalités.
Une face de bœuf quand tu es dehors.
Le cœur sur la main quand tu es en dedans.
C’est fou.
C’est comme un club privé.
À la porte, il y a un matamore bête comme ses pieds qui filtre ceux qui ont le droit d’entrer et ceux qui n’ont pas le droit.
Mais une fois que tu passes le seuil, c’est le paradis. Service quatre étoiles, sourires, révérences…
Pourquoi cette double personnalité?
Et pourquoi ça prend autant de temps d’avoir les résultats d’un test quand tu es au public?
Ne dit-on pas que l’important, dans la lutte contre le cancer, est de pouvoir le diagnostiquer à temps?
Notre système de santé est comme les gâteaux que faisaient nos grands-mères.
Glacé dehors, chaud en dedans.