L’industrie culturelle québécoise en arrache, et pas seulement en raison du contexte économique. Une nouvelle étude a mis en lumière le désengagement général de la population envers les arts de la scène.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a révélé les résultats de cette étude, qui analyse principalement l’évolution du milieu culturel entre 2018 et 2023, à l’occasion d’un forum portant sur les arts vivants à Montréal.
On ne peut plus résumer les difficultés du milieu culturel à l’inflation, apprend-on dans ce rapport. Au cours de la période analysée, la fréquentation des spectacles intérieurs payants a chuté de 21%, mais celle des événements gratuits a dégringolé de 27%.
Plusieurs facteurs expliquent cette baisse d’intérêt. La proportion de la population qui ne fréquente jamais les arts de la scène a bondi de 35% à 43%. Les grands consommateurs de culture, de leur côté, ne forment plus que 10% de la population, contrairement à 12% en 2018.
Un déséquilibre offre-demande
Les Québécois ont pourtant l’embarras du choix pour trouver un spectacle qui les intéresse. Depuis 2004, l’offre n’a augmenté de rien de moins que de 60%, mais l’assistance moyenne par spectacle, toutes disciplines confondues, a diminué de 10,6% pendant cette période. Le nombre de salles de spectacle a d’ailleurs bondi de 22% entre 2007 et 2018 dans la province.
On pourrait donc en venir à la conclusion que l’offre dépasse largement la demande. Aux yeux du président et chef de la direction de la CCMM, Michel Leblanc, la solution n’est pourtant pas de sabrer les investissements en culture, au contraire.
«Si on veut que notre écosystème survive et que notre offre puisse trouver sa place, il faut augmenter l’appétit culturel de la société, explique-t-il au bout du fil. Je ne pense pas qu’il y ait trop d’effervescence culturelle à Montréal. Mais on s’entend que si jamais on ne réussissait pas à tenir la demande, éventuellement, il y a des organisations culturelles et des créations qui ne trouveront pas leur public.»
La solution? Instaurer des habitudes de consommation culturelle dès l’enfance, grâce aux écoles. Par ailleurs, l’évolution du profil démographique du Québec n’est pas une cause de la baisse de la fréquentation des arts vivants. Les personnes immigrantes de première génération ont assisté en moyenne à 5,5 spectacles en 2023, un bilan supérieur aux personnes nées au Québec (4,3).
«Essayer de changer le comportement de gens de 40 ans qui ne consomment pas de culture, c’est un défi, souligne Michel Leblanc. Le faire à travers un secondaire 1, un secondaire 2, un secondaire 3, en les amenant à voir des spectacles qui leur parlent et qui les allument, ça va créer un appétit culturel qui va se poursuivre à l’âge adulte.»
Les PME ont leur rôle à jouer
Le financement des arts de la scène est aussi scruté dans cette étude et mis en parallèle avec celui de nos voisins ontariens. Les organismes culturels québécois reçoivent une part beaucoup plus élevée (2,7 fois) de leurs revenus en subventions. En Ontario, les dons et commandites sont le moteur principal de l’industrie des arts de la scène.
Parmi les recommandations de la CCMM, on note l’importance de promouvoir la philanthropie en culture et d’adapter le soutien financier du gouvernement à cette nouvelle ère de la consommation culturelle.
«Il y a des gens d’affaires qui disent qu’il faut aller au-delà des retombées et de l’impact économique, conclut Michel Leblanc. On ressent la nécessité d’amener plus d’entreprises et de PME à soutenir la culture. On doit aussi lancer un signal que les fonds subventionnaires et les budgets culturels des entreprises doivent être indexés et offrir de la prévisibilité sur trois ans aux organisations culturelles.»
Cinq autres statistiques révélatrices dans l’étude de la CCMM
- 17 400$: Revenu médian des artistes montréalais
- 4,4% : Proportion des écoutes en streaming au Québec attribuées à la musique québécoise
- 46%: Proportion de la population qui a déclaré avoir réduit ses dépenses en culture entre 2018 et 2023
- 195%: Augmentation de l’offre de spectacles d’humour entre 2004 et 2022
- 39%: Augmentation de la fréquentation globale des musées entre 2003 et 2023