La murale du groupe Beau Dommage, située dans la ruelle de la rue De Saint-Vallier de Montréal depuis dix ans, a été vandalisée sur une période de quelques jours. «Je me demande: pourquoi priver les autres de la beauté?» se désole le parolier du groupe, Pierre Huet.
«Il y a des années, au métro Mont-Royal, il y avait une très belle murale et cela avait pris 15 minutes pour qu’on la vandalise. On dirait que ce sont des gens qui sont frustrés de ne pas avoir la beauté qui massacrent celle des autres», a raconté Pierre Huet au Journal.
La bonne nouvelle? L’artiste, Jérôme Poirier, qui a réalisé la murale qui soulignait les 40 ans du groupe, a indiqué au Journal que l’œuvre avait été recouverte d’une très bonne protection de silicone qui a permis à la peinture de tenir aussi longtemps. Cela devrait rendre plus facile le nettoyage de la murale.
«C’est assez efficace comme produit», confie l’artiste montréalais aujourd’hui âgé de 68 ans.
«En fait, je suis surpris que cela ne soit pas arrivé avant, car ce n’est pas d’hier qu’il y a des vandales. C’est une chose fréquente, cela fait partie de la vie», ajoute celui qui avait été approché par la ville de Montréal puisqu’il était reconnu pour son travail en reproduction au cinéma.
Le muraliste et sculpteur se dit déçu par cet incident. «Pour la ville toutefois, c’est choquant, car ça va coûter des sous pour la faire laver», explique l’artiste.
Il avait aussi vu sa murale du personnage de Paul (de Michel Rabagliati) du parc Beaubien «passer au cash» en 2013.
Réactions
Mise au courant par Le Journal, l’attachée de presse principale du Cabinet de la mairesse Valérie Plante, Catherine Cadotte, a déclaré déplorer « les gestes de vandalisme de ces œuvres qui sont très importantes dans la culture québécoise ». Elle assure que le nettoyage de la murale sera fait « le plus rapidement possible » et qu’un budget d’arrondissement (ici Rosemont, qui en aura la charge) est prévu à cet effet.
De son côté, lorsque Le Journal lui a appris que la murale était bien protégée et devrait être récupérable, Pierre Huet, le sixième membre de Beau Dommage, s’est exclamé: «Vous faites ma journée! Ils pourraient peut-être en profiter pour ajouter ma face! (Rires.)»
«Mon autre réaction spontanée est: au moins, celle de Leonard Cohen est trop haute pour être vandalisée», ajoute-t-il en évoquant l’immense murale du chanteur décédé le 7 novembre 2016 recouvrant un haut édifice du centre-ville de Montréal.
Code d’honneur
Chanteur du groupe Les frères à ch’val, Paul « Polo » Bellemare avait publié une photo de la murale alors à demi vandalisée le 28 octobre dernier sur Facebook.
Habitant dans le quartier Rosemont, celui qui est aussi artiste peintre se désolait de cet acte gratuit de vandalisme.
« Je passe souvent devant et j’avais déjà vu deux petits tags auparavant. J’espérais que cela n’escaladerait pas, mais il semble bien que oui », confie-t-il au Journal.
« Je trouve cela dommage que ce soit rendu sur des murales ou des propriétés privées. Il y un code d’honneur entre artistes visuels : de ne pas peindre par-dessus une autre œuvre », poursuit-il.
Il confirme que ce « tag » spécifique se « répète partout », et pas seulement dans le quartier Rosemont.
Des graffitis «très, très fréquents»
Des actes de vandalisme comme celui qui a défiguré la murale de Beau Dommage ne sont pas fréquents, «ils sont très, très fréquents», estime le propriétaire d’une entreprise de nettoyage de graffitis.
«Je ne sais pas qui a fait celle-ci, mais des graffitis de ce style, noir et argent, nous en enlevons souvent», indique Étienne Miron, le fondateur de Solutions Graffiti.
De nombreux arrondissements font affaires avec son entreprise, qui demande entre 250 $ et 500 $ pour nettoyer une œuvre d’art recouverte d’un graffiti.
Malgré ce qu’on pourrait croire, le phénomène ne serait pas en hausse à Montréal, du moins en 2024, selon M. Miron.
«Cette année, il y en a vraiment moins qu’avant. Nous avons le contrat du centre-ville et ils ont coupé dans les effectifs qu’on avait. Auparavant, trois ou quatre personnes à temps plein qui faisaient du nettoyage et cette année, on est rendu à deux.»
Étienne Miron ignore pourquoi il y en a moins. Il émet l’hypothèse qu’enlever rapidement un graffiti peut décourager son auteur de récidiver. «Sinon, dit-il, ça dit aux graffiteurs que c’est accepté à cet endroit.»
185 000 $ dans Rosemont
Samuel Dion, chargé de communication, arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, où se trouve la murale, explique que le fournisseur externe mandaté par l’Arrondissement se rendra sur les lieux jeudi pour évaluer l’ampleur des dommages.
«Nous attribuons une grande importance aux murales qui ornent les murs privés ou publics de l’arrondissement, car elles contribuent à la vitalité des quartiers. L’enlèvement rapide des graffitis sur ces œuvres est d’autant plus important», affirme-t-il.
Le budget de l’arrondissement alloué au nettoyage des graffitis (incluant ceux sur les murales) est d’environ 185 000 $ pour 2024.