Non aux rencontres amoureuses, au sexe, au mariage ou à élever des enfants avec un homme: depuis la victoire de Donald Trump aux élections américaines, le mouvement radical féministe sud-coréen «4B» est devenu viral aux États-Unis.
Qu’est-ce que 4B?
En coréen, 4B signifie «quatre nons»: non aux rencontres amoureuses, non au sexe, non au mariage et non à élever des enfants avec un homme.
Ce mouvement a émergé au milieu des années 2010 en Corée du Sud dans un contexte de disparités salariales persistantes, de rôles spécifiques bien ancrés dans les couples et d’une épidémie de cybercrimes et de violences sexuelles à l’encontre des femmes.
Des adeptes comme Baek Ga-eul, 33 ans, disent que 4B leur a permis d’être «un être humain à part entière, et pas seulement un être réservé aux hommes ou aux enfants».
Le mouvement a émergé car les femmes coréennes – qui font 3,5 fois plus de travail ménager que les hommes, selon les données officielles – ne peuvent pas «accepter qu’on attende d’elles de travailler et de s’occuper de la majorité des tâches ménagères» a déclaré Mme Baek.
Par ailleurs, les femmes en ont assez «d’une culture masculine qui prétend se comporter correctement envers les femmes, et derrière partagent des vidéos sexuelles de leurs petites amies avec leurs amis hommes».
Malgré tout, 4B est resté un mouvement largement marginal dans ce pays qui détient l’un des taux de natalité les plus bas au monde, où le nombre de mariages plonge et où 42% des foyers sud-coréens ne sont composés que d’une seule personne selon les données officielles.
Pourquoi le mouvement devient viral?
Avec la réélection de Donald Trump le 5 novembre, 4B est soudain apparu comme l’un des mots clés les plus recherchés sur Google aux États-Unis et ailleurs.
Des vidéos parlant du mouvement ont été largement partagées sur TikTok et Facebook, selon des données de la société Newswhip, avec des images de femmes se rasant la tête pour protester contre la victoire de Trump et des vidéos explicatives du mouvement 4B particulièrement virales.
Pour beaucoup, ces élections ont été perçues comme un référendum sur les droits des femmes notamment en raison de la nomination par M. Trump de trois juges conservateurs à la Cour suprême, qui a entraîné la fin de la garantie fédérale du droit à l’avortement.
Les Américaines ont «réalisé que les hommes de ne les considèrent pas comme leurs égales», a déclaré la militante Baek Ga-eul à l’AFP.
Quel est son but?
Le sexisme est profondément ancré en Corée du Sud, explique une adhérente qui se fait appeler JH, qui raconte avoir été persécutée à son travail pour son implication dans «Escape the Corset», un mouvement féministe se rebellant contre les standards de beauté en encourageant par exemple les femmes à ne pas porter de maquillage.
Elle a fini par perdre son emploi.
«Ce que j’ai vécu n’est pas un cas isolé pour les femmes dans une Corée misogyne».
«Boycotter les hommes» est une des façons les plus efficaces de montrer la gravité du sexisme dans le pays, déclare Kang Ji-young, une autre participante au mouvement.
4B est issu des «expériences contemporaines douloureuses des femmes sud-coréennes», explique Keung Yoon Bae, une professeure en études coréennes à l’Institut de technologie de Géorgie, aux États-Unis.
«Il est finalement plus juste de considérer le mouvement comme un symptôme, qui reflète la nature insoutenable des normes patriarcales préexistantes de la société coréenne à la lumière de l’augmentation considérable du nombre de femmes performantes et bien éduquées», a-t-elle déclaré.
Une nouvelle tendance électorale?
Lors de l’élection américaine, «les tendances de vote étaient fortement divisées en fonction du sexe et des groupes raciaux», a déclaré à l’AFP Sharon Yoon, professeur d’études coréennes à l’université de Notre Dame aux États-Unis, ajoutant que cette situation était similaire à l’élection présidentielle sud-coréenne de 2022.
En Corée du Sud, les données indiquent que les hommes et les femmes sont de plus en plus opposés idéologiquement. Les hommes se rapprochent de la tendance conservatrice, qui a aidé le président Yoon Suk Yeol à accéder au pouvoir en 2022, après avoir promis d’abolir le ministère de l’Égalité des genres.
«Le fossé entre les sexes que nous observons dans le comportement électoral n’est pas propre à un pays, mais indique une tendance globale de réaction sexiste parmi une base croissante d’hommes en situation de précarité économique», a ajouté la professeure.
«La montée en puissance du président élu Donald Trump va susciter également une forte réponse des femmes américaines».
«Leur solidarité avec les femmes coréennes du mouvement 4B doit être considérée comme l’une des manifestations de cette tendance émergente, mais pas la seule», conclut-elle.