Les géants chinois du commerce en ligne Shein et Temu sont critiqués par des créatrices de contenu québécoises en raison de leurs faibles rémunérations et leurs restrictions excessives.
Depuis cinq ans, Josianne Lemieux réalise des vidéos promotionnelles pour Shein, le géant chinois de la mode en ligne qui vend des vêtements à tout petits prix.
La créatrice de contenu de 25 ans montre ses tenues préférées à ses 200 000 abonnés sur TikTok pour les inciter à acheter sur ce site. En échange, la marque lui envoie 200$ de vêtements gratuits par collaboration.
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«Ça ne paie pas mon loyer ni mes factures, mais ça m’enlève des dépenses. Avant, j’étais dépensière un peu compulsive pour les vêtements», admet-elle.
En plus de ces tenues offertes, elle aimerait surtout un revenu ou une commission sur les ventes comme le font d’autres marques.
L’entreprise de boîtes repas GoodFood, par exemple, lui verse jusqu’à 40% de commission sur les ventes obtenues grâce à ses publications en ligne. De son côté, le jeu sur téléphone intelligent Groovetime la paie 100$ pour une vidéo réalisée seulement en dix minutes.
Selon Josianne Lemieux, Shein en aurait pourtant les moyens. Le géant chinois de la mode rapide a enregistré près de trois milliards $ de bénéfices en 2023, selon le Financial Times.
«Shein paie des peanuts», confirme Élisabeth Emond, une influenceuse québécoise qui souhaite arrêter de travailler avec des marques fast fashion.
Trop de restrictions
Alors que Temu, l’autre titan du commerce en ligne aux prix ultra-bas, visait un chiffre d’affaires de 54 milliards de dollars en 2024, les critiques sur la qualité de ses produits et ses pratiques commerciales se multiplient, notamment chez les influenceurs.
Cet hiver, la créatrice de contenu Estelle Gaumond a réalisé deux vidéos pour Temu. Elle a été payée près de 25$ de l’heure.
En plus de la paie qu’elle trouve insuffisante comparée à d’autres marques, elle dénonce le contrôle qu’a voulu exercer Temu sur son contenu.
Dans ses vidéos, interdiction de porter un décolleté ou de montrer son ventre.
«C’est la première fois qu’on me donnait un script et que je n’avais pas le droit de montrer ma personnalité. Ça m’a pris trop de temps. Ça ne vaut pas les 200$ qu’on m’a offerts», trouve Estelle Gaumond.
Josianne Lemieux a eu la même expérience. «Ils en demandent beaucoup, confirme-t-elle. Temu dit aussi que les nouveaux clients peuvent avoir des produits gratuits, mais ce n’est pas vrai. Je ne veux pas faire de la fausse publicité auprès de mes abonnés.»
Temu et Shein n’ont pas répondu à notre demande d’entrevue pour réagir à ces critiques.
Du marketing à bas prix
Selon des médias américains, Shein collabore avec plus de 50 000 créateurs de contenu dans le monde. Pour son concurrent Temu, c’est six fois plus.
«S’associer à une créatrice de contenu, ça leur permet d’humaniser la marque. C’est une publicité qui ne ressemble pas à une publicité», décrypte Charlie Fernandez, stratégiste marketing pour le Studio Réverbère.
«Ils ont très bien compris qu’il valait mieux avoir 1000 petites vidéos qui ont l’air authentiques plutôt qu’une campagne [de publicité] hors de prix», renchérit Justine Tournier de l’agence en marketing numérique Bloom.
«Ils font appel à tous les influenceurs possibles au prix le plus réduit possible.»