C’est une entreprise inédite dans l’histoire des États-Unis et peut-être des démocraties occidentales: Elon Musk, soutenu par Donald Trump, bouleverse le fonctionnement de l’État fédéral américain, sans mandat électoral, sans portefeuille de ministre et sans autre réelle supervision que celle du président américain.
• À lire aussi: USAID: Musk annonce le démantèlement brutal de l’Agence américaine pour le développement
• À lire aussi: Riposte aux tarifs de Trump: l’Ontario met fin à son contrat avec Starlink, propriété d’Elon Musk
«Il fait du bon boulot», a dit le président américain, interrogé dimanche soir sur le rôle de l’homme le plus riche du monde, patron de Tesla, de SpaceX et de X, désormais à la tête d’une Commission pour l’efficience gouvernementale, le «Department of Government Efficiency» (DOGE).
«Décision intelligente d’Elon Musk», a applaudi dans X l’ex-président et actuel numéro 2 du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, à propos de la fermeture, annoncée par le multimilliardaire lui-même, de l’Agence américaine pour le développement international (USAID).
C’est dans une conversation dans son réseau X, dans la nuit de dimanche à lundi, qu’Elon Musk a confirmé le démantèlement de cette institution active dans le monde entier, dotée d’un budget annuel de 40 milliards de dollars.
«Nous la fermons», a-t-il dit. «J’en ai parlé en détail [avec Donald Trump] et il est d’accord pour la fermer».
«Un test»
«Personne n’a élu Elon Musk», s’est indignée la sénatrice démocrate Elizabeth Warren dans le réseau Bluesky.
«Musk et ses employés privés essaient de fermer une agence créée et financée par le Congrès. […] C’est un test. Le Congrès doit utiliser ses pouvoirs, ou perdre ses pouvoirs», a averti un autre élu démocrate, Jason Crow, dans X.
Le rôle du multimilliardaire, lui-même bénéficiaire de gros contrats fédéraux, échappe au fonctionnement institutionnel habituel.
«Les présidents ont souvent eu des conseillers informels du monde des affaires, mais le rôle quasi officiel d’Elon Musk et ses affirmations selon lesquelles il agit au nom de [Donald Trump] pour prendre des décisions […] sont, à ma connaissance, sans précédent», a déclaré à l’AFP Jeffrey Lubbers, professeur de droit à la American University.
Malgré son nom de «Department», désignant les ministères fédéraux, DOGE est en réalité un organisme de conseil externe placé sous l’autorité directe de Donald Trump et à durée limitée – il doit cesser d’exister le 4 juillet 2026, date symbolique marquant le 250e anniversaire de la Déclaration d’indépendance des États-Unis.
Pendant la campagne, Elon Musk avait assuré pouvoir réduire la dépense publique fédérale de 2000 milliards de dollars. Il a depuis revu ses intentions à la baisse et parle de 1000 milliards de dollars, une somme qui reste absolument colossale.
Elon Musk, qui n’a pas de mandat électoral, devra-t-il rendre des comptes au Congrès, détenteur du pouvoir budgétaire? Est-il soumis à de quelconques règles déontologiques, au même titre qu’un ministre ou d’autres grands commis de l’État? Rien n’est moins sûr.
Cette opacité suscite une vive discussion sur de potentiels conflits d’intérêts, puisqu’il pourrait faire des recommandations ayant un impact direct sur ses propres entreprises, de l’automobile au numérique en passant par l’espace.
Avant cette annonce concernant USAID, la presse américaine avait été agitée pendant toute la fin de semaine par des informations sur un coup de force des recrues d’Elon Musk au ministère des Finances.
Paiements
Selon plusieurs médias, les employés de DOGE ont exigé d’avoir accès au système de paiement du Trésor, gérant des milliers de milliards de dollars de versements, et ont buté sur l’opposition du haut fonctionnaire qui en est responsable. Ce dernier a été écarté, selon la presse.
Elon Musk dispose maintenant d’un registre des données personnelles et financières de centaines de millions d’Américains.
«Le seul moyen d’arrêter la fraude et le gaspillage de l’argent des contribuables est de suivre les circuits de paiement et de suspendre les transactions douteuses. C’est évident», a-t-il écrit dans X.
Les fonctionnaires fédéraux sont la cible d’une mesure après l’autre depuis le 20 janvier, chacune portant la patte de l’homme d’affaires de 53 ans: fin du télétravail sous peine de licenciement, plan de départs volontaires, fin des politiques de diversité…
Dans une tribune publiée le 20 novembre dernier par le Wall Street Journal, Elon Musk avait dit qu’il «ferait les choses différemment», «comme un entrepreneur», pas comme «un politicien».
Le patron de Tesla a souvent raconté qu’il dormait à l’usine pendant des périodes chargées pour le constructeur automobile. Selon le site Wired, il a confié à des amis faire la même chose désormais au siège de DOGE, dans un imposant bâtiment administratif jouxtant la Maison-Blanche.