Pendant qu’on peut encore aller voir sa pièce Une fête d’enfants (au TNM jusqu’au 8 février), le dramaturge et scénariste Michel Marc Bouchard nous invite à découvrir les livres qui l’ont marqué.
Spontanément, quel roman recommanderiez-vous à tout le monde de lire?
Là où je me terre de Caroline Dawson. C’est l’un des plus beaux et des plus puissants livres écrits sur le parcours d’une immigrante qui se révèle à la fois intime et social, une lettre d’amour à son pays d’accueil. Un ouvrage incontournable d’une auteure qui nous a cruellement quittés trop tôt.
Et du côté des pièces de théâtre?
La liste de Jennifer Tremblay, un objet théâtral rare et particulier qui se décline dans une série de listes de choses à faire au quotidien. Je l’ai lu à deux heures du matin et je n’ai pas été capable de décrocher. C’est un monologue labyrinthique dans lequel une tragédie se dessine en filigrane. La lecture est à la fois enivrante et abyssale, et elle nous submerge d’émotions de façon inattendue.
Est-ce qu’il y a un livre ou un roman auquel vous revenez régulièrement depuis des années?
Oui, Histoire de Roberval de Rossel Vien. C’est une monographie exemplaire et magique écrite avec une élégance presque romanesque. J’ai d’ailleurs été inspiré par ce livre pour camper le décor de ma pièce Les Feluettes. L’été dernier, j’ai découvert une espèce de biographie sur Rossel Vien. Dans les années 1960, sous le pseudonyme Gilles Delaunière, il a écrit des choses tout à fait révolutionnaires sur l’homosexualité. Mais il était historien avant tout.
Récemment, quel livre vous a mis le cœur en fête?
Le bestiaire à pas perdus d’Odile Tremblay. Je ne le cacherai pas, Odile est une grande amie. Après tout ce qu’elle a écrit dans Le Devoir, c’est son premier ouvrage littéraire. Pour chaque portrait d’animal, elle part toujours d’une anecdote personnelle très simple (par exemple, sa phobie des vers de terre!) qui va l’amener ensuite à parler de la dimension mythologique de l’animal. Chaque portrait est indépendant, alors c’est un livre qu’on peut reposer et reprendre.
Au fil des ans, quels romans ont été pour vous de véritables chefs-d’œuvre?
- Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, une extraordinaire saga que j’ai adaptée pour le théâtre.
- Ce que je sais de toi d’Éric Chacour, parce que c’est à la fois exotique, mais si près de nous.
- Em de Kim Thúy, parce que c’est une écriture ciselée, riche, troublante.
- La trilogie Nos ancêtres d’Italo Calvino [qui comprend Le chevalier inexistant, Le vicomte pourfendu et Le baron perché, parce que c’est un objet de littérature que seule la littérature peut engendrer. C’est du folklore métaphysique. Tout adolescent devrait lire cette trilogie.
- La grosse femme d’à côté est enceinte de Michel Tremblay. En plus d’être un livre passionnant, c’est notre identité mise à nue et le roman phare de Tremblay.
Vous pouvez maintenant nous parler de votre tout premier gros, gros coup de cœur littéraire?
Ça a été La belle bête de Marie-Claire Blais. J’étais adolescent et c’était au séminaire. C’était «étonnamment» une œuvre au programme. Le choc a été cataclysmique. J’ai découvert que dans mes fantasmes les plus complexes, je n’étais plus seul; il y avait Marie-Claire. Et j’ai décidé de devenir auteur.
En ce moment, que lisez-vous?
J’ai toujours un livre pas loin. Là, je viens de terminer Entends-tu? de Vincent Fortier, un essai vraiment fascinant sur le silence. Après ça, on n’entend plus de la même façon et on réalise à quel point le silence est rare dans notre société! Je compte lire bientôt Notre-Dame de tous les peut-être de Dominique Fortier et Prélèvements de Suzanne Jacob.
C’est votre anniversaire demain… Quel livre aimeriez-vous vraiment recevoir?
J’aimerais recevoir les sept tomes d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust avec deux mois de vacances, attaché à une chaise de lecture.