On peut dire que le trio d’auteurs formé d’Annie Piérard, Étienne Piérard-Dansereau et Bernard Dansereau a des antennes. À six mains, ils ont écrit les suspenses L’imposteur et Aller simple. Et Épidémie, débarqué sur nos ondes quelques semaines avant que la pandémie n’éclate. Comme s’ils l’avaient vue venir. L’indétectable vise encore l’actualité abordant la question de l’intelligence artificielle et de ses risques lorsqu’elle est manipulée avec malveillance. C’est ce qui arrive à Françoise Parent (Lynda Johnson), politicienne en vue dont une vidéo peu flatteuse devient virale, compromettant son élection. Sa fille, convaincue de la supercherie, se lance dans une quête contre les hypertrucages. Un thriller qui fait réfléchir à l’heure où chacun publie bon nombre de photos et de vidéos, s’exposant à une perte de contrôle de l’image.
Est-ce qu’on peut dire qu’avec les thèmes que vous abordez, vous êtes un peu devins?
On essaye de s’informer pour raconter des histoires intéressantes. On a commencé à réfléchir à la série en 2021. Il y avait eu des deepfakes de Trump, d’Obama, mais il y avait plein de choses qui étaient de la science-fiction. La réalité nous a rattrapés. Mélios [programme d’IA créé par EFEK dans la série] génère des images. C’est sûr que ça existe. On n’a qu’à regarder ce qui se fait du côté d’OpenAI avec Sora par exemple. À la base, on voulait faire une histoire sur la chute d’un politicien. Nous sommes tombés sur un candidat pris dans un deepfake audio en Slovaquie en 2023 qui a perdu ses élections. Après, ça a été une véritable course du chat et de la souris pour mettre en ondes cette histoire avant qu’elle ne soit dépassée. Entre le moment du dépôt du dernier texte début novembre et maintenant, il y a eu peu de temps. On est encore dans le coup. Il n’y a pas encore de deepfake indétectable pour vrai. On est très à l’aise avec l’hypothèse technologique et scientifique. Ceci étant dit, c’est une série qui n’a rien de geek. On l’a écrite pour tout le monde.
Quel genre de recherche avez-vous faite au fil de l’écriture?
C’est une recherche totalement différente de ce que nous faisons d’habitude. Dans ce cas, tout bougeait très vite. On devait continuellement se tenir au courant sur internet, par des podcasts, des articles de journaux. C’est un sujet qui est très couvert. Le patron d’OpenAI parle beaucoup. Il veut se faire du capital. Il y a beaucoup de matériel pour pouvoir se faire une opinion.
Stéphanie (Sophie Nélisse) n’est pas une enquêtrice. Elle a certaines maladresses. Pourquoi avoir opté pour une protagoniste loin de ce genre de démarche?
Au début, elle est timide, hésite à prendre sa place, se perçoit d’une certaine manière. Elle croit sa mère et veut l’aider. En sortant de ce qu’elle connaît, elle se permet de découvrir qui elle pourrait être. Si le deepfake est du mensonge, Stéphanie est le plus gros mensonge en se mentant à elle-même. Faire de l’infiltration lui permet d’être quelqu’un d’autre. Ça la libère. Quand elle devient Juliette, c’est comme un superhéros, elle met sa cape.
On suit deux histoires en parallèle, celle de la vidéo truquée et celle d’un scientifique enlevé. Des trames interreliées.
Le personnage de Bernard [Stéphane Jacques] est intéressant. Il est inspiré de l’ex-patron du renseignement intérieur français [DGSE, maintenant DCRI] Bernard Squarcini, accusé d’avoir donné de l’information à Bernard Arnault [patron du géant du luxe LVMH]. C’est le fun de mettre la lumière sur un ancien commissaire de l’État qui après sa retraite des services d’espionnage se met au service de millionnaires. On voulait aussi aborder les ressortissants forcés de retourner dans leur pays d’origine [appelé «Émirat du Golfe», pays fictif, dans la série]. C’est une plaie. C’est brûlant d’actualité. Pourquoi l’Émirat souhaite-t-il autant ravoir ces gens-là? C’est une source de thrills.
Stéphane Lapointe réalise la série. En avez-vous beaucoup parlé ensemble pour définir l’univers?
Il nous a proposé sa vision. Nous avons été en constante discussion avec lui. Il y a des affaires technos qui étaient plus dures à fabriquer. EFEK fait du cinéma sans acteurs. La vidéo où un policier américain devient asiatique puis ukrainien, il y a eu un peu de réécriture pour faire passer nos idées à quelque chose qui se pouvait avec les moyens que nous avons au Québec. C’est une série de genre, un thriller. On doit faire vivre des émotions fortes, il y a des conventions auxquelles il faut adhérer. Pour prouver un deepfake, il faut aller très loin.
L’indétectable
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