Nordiq Canada fait partie des nombreuses fédérations canadiennes qui tirent le diable par la queue. Des skieurs qui représenteront le Canada aux prochains Jeux olympiques à Milan-Cortina doivent puiser dans leurs économies pour boucler leur budget.
Nordiq Canada offre un financement complet seulement aux athlètes qui enregistrent un top 6 en Coupe du monde ou aux Championnats mondiaux. Un top 10 permet aussi d’obtenir une aide intéressante.
Ce financement complet n’est obtenu que pour une période du calendrier qui est divisé en quatre. Les athlètes doivent donc obtenir des top 10 à chaque période pour confirmer leur financement.
Une saison en Coupe du monde qui s’étend du 1er novembre au 15 mars coûte environ 40 000$. «Comme athlète, tu penses au financement tous les jours, a résumé l’entraîneur-chef du Centre national d’entraînement Pierre-Harvey, Louis Bouchard. Chaque matin, ton compte bancaire est débité de 203$. Tu es à l’extérieur du 1er novembre au 15 mars. Le calcul est simple. Le financement est le nerf de la guerre, et ce n’est pas facile pour Nordiq Canada.»
Olympiens de Pékin et auteurs d’une cinquième place au relais par équipe lors des derniers mondiaux en Norvège, Antoine Cyr et Olivier Léveillé confirment que c’est un stress important d’avoir constamment une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.
«C’est un stress face à des adversaires qui n’ont rien à payer et qui n’ont pas à se soucier de trouver des commanditaires, a mentionné Cyr. De notre côté, on doit travailler pour arrondir les fins de mois et dénicher des commanditaires. La situation est encore plus difficile pour les plus jeunes, qui n’obtiennent aucun financement.»
«C’est énormément de stress, de renchérir Léveillé. C’est difficile à décrire, mais tu as une charge mentale sur la tête toute la saison si tu ne rencontres pas les critères de la fédération. Si tu ne connais pas la saison souhaitée, tu dois fouiller dans tes économies.»
À 22 ans, Liliane Gagnon vit la même chose. «C’est difficile, quand les athlètes doivent financer leur saison. Ça met beaucoup de pression de savoir que ta forme va déterminer combien ta saison va te coûter.»
Une époque totalement différente
Présent au Centre de ski de fond du Mont-Sainte-Anne pour la classique qui porte son nom, Alex Harvey comprend très bien la situation difficile dans laquelle se retrouvent les fondeurs canadiens. Après avoir franchi la ligne d’arrivée du 50 km, il a remercié les participants et lancé que chaque dollar compte pour aider les athlètes.
«À mon époque, les athlètes de l’équipe A ne payaient pas un sou, et les athlètes de l’équipe B recevaient aussi un bon soutien financier. À titre d’exemple, Olivier Léveillé a dû débourser 30 000$ l’an dernier pour sa saison en Coupe du monde et son été d’entraînement. On parle d’un skieur qui a obtenu des top 10 en Coupe du monde et des podiums aux Championnats mondiaux juniors.»
Une double médaillée olympique à la tête de Nordiq Canada
Double médaillée olympique, Beckie Scott vient tout juste d’être embauchée comme directrice générale de Nordiq Canada. «Nous avons eu une rencontre la semaine dernière, et elle nous a dit qu’elle veut prioriser les athlètes et les entraîneurs, a indiqué Bouchard. Dans le passé, c’était axé sur la bureaucratie, mais elle veut aider les athlètes au maximum. Ça me donne espoir. J’arrive de deux mois et demi en Europe et je suis exténué. On a besoin de support.»
«On n’a pas abordé la question de leur avenir avec les athlètes, mais on ne se met pas la tête dans le sable non plus, de poursuivre Bouchard. Nordiq Canada doit arriver avec un plan qui démontre que c’est viable économiquement pour les athlètes de continuer jusqu’en 2030.»
Cyr estime que Scott en aura plein les bras. «C’est un bon défi qui se présente à elle parce que c’est nul actuellement.»
«Nordiq Canada ne gère pas de la bonne façon selon moi», de renchérir Léveillé.
Dans un tel contexte financier très difficile, la classique Alex Harvey prend toute son importance. Un total de 445 skieurs ont pris le départ dimanche.