Grâce au succès de 1995, cet été, Ricardo Trogi est devenu le premier réalisateur canadien à franchir sept fois la barre du million de dollars de recettes aux guichets. Pourquoi ses films plaisent autant? Parce qu’ils sont tournés pour les Québécois, dans la langue que nous parlons, estime-t-il.
«Je sais ce que je pourrais faire pour leur donner une petite touche internationale, mais quand tu fais ça, t’enlèves du plaisir aux gens d’ici. Je ne veux pas faire ça», confie le cinéaste de Québec, qui passe la semaine dans sa ville natale pour présider le jury du Festival de cinéma de la ville de Québec.
Ricardo Trogi rappelle que dès son premier long-métrage, Québec-Montréal, il était hors de question que ses personnages parlent un français international.
«Avec les deux autres scénaristes [Patrice Robitaille et Jean-Philippe Pearson], on avait décidé qu’il faut que ça parle comme on parle. À l’époque, il y avait encore beaucoup de films en français international. J’avais l’impression que les scénaristes et cinéastes voulaient être compris en Europe, alors que ce n’est même pas une langue qui existe là-bas. Quand on a vu des films comme La haine, on constatait que ça jasait autrement en France qu’en français international. Je me demandais pourquoi on ne faisait pas confiance à notre langue au Québec.»
Le luxe de vieillir à l’écran
Son pari a été gagné. Québec-Montréal a atteint un statut de film culte chez nous et sa série autobiographique, maintenant formée de 1981, 1987, 1991 et 1995, atteint des sommets de popularité. Le dernier volet, qui a pris l’affiche le 31 juillet, approche les trois millions de dollars de recettes.
Les trois premiers films font pour leur part l’objet d’une présentation spéciale en plein air, à la place D’Youville, vendredi soir, dans le cadre du FCVQ. Le même exercice avait été réalisé en France, il y a quelques années.
«Voir quelqu’un vieillir à l’écran de pratiquement 15 ans dans la même journée, c’est tout un luxe au cinéma», se réjouit-il.
Jusqu’à 2008?
Après 1995, quelle sera la suite? Ricardo Trogi dit songer à raconter ses débuts comme réalisateur de publicités, en 1998. «J’ai pensé à toutes sortes d’affaires, comme un film sur l’immigration qui s’intitulerait 1956 à propos de mon père, mais finalement, ce n’est plus la même affaire. Je ne sais pas.»
Osera-t-il se rendre jusqu’au tournage de 1981, qui remonte à 2008? «Vite de même, je dirais que s’il faut que j’arrête ma série à un tournage, ce serait celui de Québec-Montréal», répond-il d’abord, avant de réfléchir à voix haute à l’idée de raconter sa rencontre avec Jean-Carl Boucher, celui qui l’incarne à l’écran, dans 1981.
«On dirait que ce serait une façon logique de boucler la boucle. Chose certaine, ça se passerait dans la salle d’auditions.»