PARIS ET QUÉBEC | Malgré les critiques et les entraves possibles à la Charte des droits et libertés de la personne, le premier ministre du Québec François Legault persiste et signe: Ottawa doit obliger la moitié des demandeurs d’asile à quitter le Québec.
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«Oui, ils doivent en déplacer la moitié», a réitéré de Paris le premier ministre. Il estime «qu’il y a différents modèles qui existent en Europe» pour gérer l’afflux de demandeurs d’asile à déménager, mais que c’est au gouvernement fédéral de trouver une solution.
«C’est le gouvernement fédéral qui en a laissé entrer beaucoup trop».
Mercredi, François Legault a affirmé que la moitié des demandeurs d’asile qui sont actuellement au Québec doivent être «transférés dans d’autres provinces» et que ces déménagements doivent être «obligatoires.»
Or, selon un document datant du mois de juillet dernier consulté par notre Bureau parlementaire, le fédéral n’a pas le pouvoir législatif d’obliger la déportation des demandeurs d’asile.
La réinstallation des demandeurs dans d’autres provinces ou territoire du Canada doit être volontaire. S’ils sont forcés, ils pourraient faire valoir leurs droits à la liberté garantie par la charte.
Le premier ministre admet qu’il n’a pas pris connaissance «dans le détail» de ce document.
«Ce qu’on dit, c’est que je ne suis pas capable d’accueillir humainement le nombre de demandeurs d’asile qu’a laissé entrer le gouvernement fédéral. Nous, on est prêts à en garder la moitié. Maintenant, c’est au gouvernement fédéral à trouver les moyens des mesures obligatoires», a-t-il mentionné, plaidant que les Québécois se «sentent bousculés par l’immigration», comme les Français.
Concernant une possible entrave à la Charte des droits et libertés s’il oblige les demandeurs d’asile à quitter le Québec, François Legault a plaidé qu’il «n’avait pas ces avis» juridiques là.
Roberge nuance
Les propos du premier ministre ont rapidement été dénoncés par les partis d’opposition à Québec et le gouvernement Trudeau. Le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a d’ailleurs tenu à nuancer les propos de son chef jeudi matin à l’Assemblée nationale.
«On ne parle pas de police qui entre et qui sort des familles. Il y a des dérapages, attention», a mentionné Jean-François Roberge, soutenant que le gouvernement Legault est «humain».
Selon M. Roberge, le Canada doit s’inspirer des modèles européens en matière de demandeurs d’asile. «Ce n’est pas de punir les gens, de les envoyer dans un endroit où ils vont avoir un permis de travail, être capables de se loger, être capables d’avoir un emploi, être capables de scolariser leurs enfants. Il n’est pas question de déraciner des familles et de sortir les enfants des classes. Je veux être clair, on est humain, les Québécois.»
Le ministre estime que l’utilisation du mot «obligation» réfère à l’octroi d’un permis de travail qui leur serait délivré seulement s’ils se dirigent dans une région qui leur serait attitrée.
M. Roberge plaide qu’il est possible de les forcer à quitter «en leur disant que le permis de travail et le centre des services de soutien et le filet social seront relocalisés dans une province qui est capable de les accueillir, parce qu’en ce moment, on est au-delà de notre capacité».
«Des dizaines de milliers sont arrivés dans les derniers mois, n’ont toujours pas de travail ni de permis de travail, ni [de] conjoint [ou de] conjointe, pas d’enfants à l’école. Ces gens-là, si on leur dit, dans un mois on va vous aider à vous relocaliser, par exemple en Nouvelle-Écosse, c’est là qu’on va vous donner votre carte d’assurance maladie, qu’on va vous aider à vous loger. Ça ne veut pas dire déraciner une famille ou sortir des enfants d’une école. On ferait exactement ce qui se fait à l’échelle européenne», a-t-il exposé.
Rencontre avec Attal
En fin de journée, François Legault a sondé l’ex-premier ministre Gabriel Attal afin de savoir comment la France gérait l’enjeu de l’immigration irrégulière.
«Est-ce que vous pouvez expulser un demandeur d’asile qui ne parle pas français?», a-t-il demandé à son invité, qui est venu faire un vibrant plaidoyer en faveur de la laïcité dans un discours à l’Assemblée nationale au printemps dernier.
M. Attal a répliqué diplomatiquement que «sur les demandeurs d’asile, ça va être compliqué».
«Mais par contre, on peut lui demander de faire une formation de maîtrise de la langue française pour pouvoir rester en France», a ajouté celui qui préside désormais le groupe des députés macronistes au Parlement.