Au printemps 2020, Mégan Brouillard croyait partir en tournée provinciale avec ses comparses finissants de l’École nationale de l’humour. Mais une certaine pandémie a mis son rêve sur la glace. Ne sachant que faire, la Drummondvilloise est retournée vivre dans le sous-sol de ses parents et s’est mise à faire des vidéos sur TikTok. C’est là que tout a «explosé». À peine quatre ans plus tard, la voici qui présente son premier spectacle solo, Chiendent. Le Journal a rencontré l’humoriste de 25 ans au sens de la répartie aiguisé et qui a fait une entrée fracassante dans le milieu.
On a l’impression de la voir sur toutes les tribunes depuis quelques années. Quand elle n’est pas collaboratrice à l’émission Bonsoir bonsoir!, elle participe à Véronique et les Fantastiques ou fait même des chroniques sur le hockey à RDS. Mais d’où arrive Mégan Brouillard? On a voulu le savoir.
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Originaire de Drummondville, Mégan Brouillard a vu le jour en juillet 1999. Dans sa famille, «l’humour, c’est important pour survivre» et dès son jeune âge, Mégan a appris le sens de la répartie en observant ses proches.
«Tout le monde est punché dans ma famille, dit-elle en entrevue avec Le Journal. Ma mère est un clown, ça n’a pas de bon sens! Ses anecdotes sont rodées. Je les entends huit fois. Elle les conte à moi, à mon père, à mes tantes.»
Son grand-père, Clément Brouillard, était lui aussi un boute-en-train. Jusqu’à la fin de sa vie, même sur son lit d’hôpital, il voulait faire rire l’assistance. «Il avait de la misère à respirer et à parler, mais il ne pouvait pas s’empêcher de faire des blagues», relate Mégan en souriant.
Ses premières blagues devant public
À l’école, Mégan a naturellement voulu faire rire ses amis dans les cours. «Je faisais des blagues, c’est sûr. Mais j’essayais de ne pas déranger. Parce que ma mère est prof, je ne voulais pas déranger les profs. Sauf que tout paraît dans ma face. Les collègues de ma mère qui m’ont enseigné lui ont déjà dit que quand je trouvais quelque chose ennuyant, ils le voyaient immédiatement!»
En cinquième année du primaire, Mégan a eu la «chance» d’avoir sa mère comme enseignante. «Elle était vraiment plus rough avec moi qu’avec les autres. Tout le monde avait le droit de faire telle chose. Moi, j’étais comme: pourquoi j’ai pas le droit de colorier avec les amis?»
C’est cette année-là que Mégan a eu sa première expérience en humour. Devant retranscrire un numéro d’humour connu, elle l’avait ensuite présenté devant toute la classe. Une petite graine avait été plantée.
Quelques années plus tard, elle décidait de s’inscrire à Secondaire en spectacle. Elle allait se rendre jusqu’à la finale régionale avec un numéro d’humour sur le fait qu’elle ne savait pas quoi faire comme métier plus tard. «L’orienteur nous avait fait payer 13 piastres pour nous faire passer un test en profondeur. Ça m’avait sorti des résultats à fesser dans les murs! Ça disait que je pourrais gérer les horaires du monde au McDo ou être bénévole!»
Elle décidait de remettre ça à nouveau à Cégeps en spectacle avec un numéro comique sur le fait d’avoir 18 ans. Elle avait terminé en deuxième place de la finale régionale et avait remporté le prix du public, car sa mère avait réussi à convaincre plusieurs personnes d’aller voter pour elle en ligne! «Ils n’avaient pas besoin d’être présents au concours pour voter. Ma mère avait trouvé cette faille-là dans les règlements!» dit Mégan en riant.
Le Village d’Antan et l’École de l’humour
Dans son Drummondville natal, Mégan a travaillé plusieurs années à la salle de spectacle du coin, la Maison des arts Desjardins. «J’y ai tout vu pendant quatre ou cinq ans, dit-elle. Je trouvais ça tellement formateur de voir de l’humour, de la musique, du théâtre. Je regardais comment les artistes utilisaient la salle, créaient une ambiance, connectaient avec le public.»
Dans ces mêmes années, elle avait aussi campé l’idiote du village au Village Québécois d’Antan. «C’était comme improviser à longueur de journée! évoque Mégan. Ça m’a vraiment aidé à gagner en confiance et en assurance pour me présenter devant des inconnus, à créer mon personnage de scène. Ça m’a aussi aidé à gérer le crowdwork [l’interaction avec le public]»
Même si le métier d’humoriste lui semblait alors inaccessible [«je ne voyais pas le chemin…»], Mégan Brouillard a décidé quand même de tenter sa chance aux auditions de l’École nationale de l’humour. Du haut de ses 18 ans, elle s’est rendue à Montréal avec sa maman pour rencontrer les responsables de l’école.
Sur place, elle a présenté le même numéro qu’à Cégeps en spectacle en se disant qu’elle serait assurément refusée. «Ça faisait partie du plan. Je voulais gagner de l’expérience en voyant comment fonctionnaient les auditions pour revenir plus forte la prochaine fois.»
Contre toute attente, elle était acceptée. À l’automne 2018, Mégan Brouillard déménageait dans la «grande ville» et commençait sa formation de deux ans.
«J’avais beaucoup de plaisir à l’école [de l’humour], dit-elle. J’étais dans la classe moyenne élevée, je dirais. Je travaillais vraiment fort. J’avais compris que je n’avais pas le temps de boire, parce que ça me ralentissait. La fin de semaine, je devais aussi retourner à Drummondville pour travailler à la Maison des Arts.»
La pandémie détruit son rêve
Pendant sa formation, Mégan pensait beaucoup à la fin de la deuxième année, qui devait culminer avec une tournée d’une trentaine de dates pour tous les finissants dans tout le Québec. C’est souvent à ce moment-là que les meilleurs élèves se font remarquer par des gérants et producteurs et peuvent ainsi lancer leur carrière.
Mais au mois de mars 2020, son rêve s’est instantanément écroulé avec l’arrivée de la COVID-19. «C’était difficile de voir qu’il n’y aurait pas de tournée, mais c’était encore pire de voir que c’était peut-être la fin de l’existence de ce métier-là, se souvient-elle. On ne savait pas ce qui s’en venait. Il n’y avait plus de spectacles.»
À l’époque, Mégan habitait dans un demi-sous-sol de Rosemont avec une coloc. L’appartement leur avait causé déjà beaucoup de problèmes: un rat mort dans une bouche d’aération de la salle de bain, un autre dans l’évier, un chat errant qui vient uriner sur les divans. Quand la planète entière s’est mise sur pause, elle a décidé de retourner chez ses parents à Drummondville.
Sans emploi, Mégan a dû cohabiter dans la maison familiale avec une mère qui enseignait à distance, un père ingénieur qui travaillait aussi de la maison, un frère qui réparait sa voiture dans le garage et un autre qui faisait son cours pour être policier. «C’était un bungalow, crisse! lance-t-elle en riant. Mais c’était quand même mieux que dans mon sous-sol de Rosemont avec les rats morts.»
Au début de la pandémie, Mégan s’est désennuyée en apprenant à coudre des polars Patagonia. «Je me suis aussi fait un pantalon avec une vieille couverte et j’ai essayé de faire des bobettes, dit-elle. J’étais une prisonnière! En faisant de la couture, j’ai réalisé que j’avais juste besoin de créer de quoi.»
La tournée des finissants de l’ÉNH en salles a été annulée, mais les étudiants ont pu faire quelques spectacles virtuellement, notamment sur l’Espace Yoop et le Wifi Comédie Club. «C’était tellement terrible, se souvient Mégan. L’humour, ce n’est pas du violon. Tu ne peux pas pratiquer chez vous pour savoir ce qui est bon ou pas. Tu ne sais pas quand tu fausses en humour si tu es tout seul. […] Quand on faisait le spectacle, on voyait du monde en Zoom, mais il y avait un décalage de deux minutes sur l’image et sur le rire. On ne pouvait pas parler par-dessus le rire, donc on perdait le rythme. C’était un câlisse de cauchemar!»
Elle a fait sa Ligue américaine
Ayant brièvement entendu parler du nouveau réseau social à la mode, TikTok, Mégan a décidé de meubler ses nombreux temps libres de pandémie en y publiant des petites vidéos. Rapidement, les mentions «J’aime» se sont accumulées. «Ç’a vraiment aidé mon efficacité comique. […] Je passais mes journées à chercher des idées TikTok. Il y en a qui m’ont dit que c’était brillant d’avoir fait ça, mais c’était de la survie. Je n’ai jamais pensé plus loin que dans le moment présent où j’étais.»
Quand les soirées d’humour ont repris leurs activités, la jeune Mégan a pu y être invitée, forte de sa nouvelle popularité sur les réseaux sociaux. «C’est grâce à ça [TikTok] que j’ai tout fait», reconnaît-elle.
À l’approche de son premier spectacle solo, Mégan sait qu’il y a certaines personnes qui pensent qu’elle a monté les échelons trop rapidement. Mais elle croit plutôt ne pas avoir sauté d’étape. «Je pense que j’ai fait mes classes, j’ai été aux pratiques et j’ai fait mes tirs au but, dit cette passionnée de hockey. Je pense que je l’ai faite, ma Ligue américaine.»
«J’en ai fait, des soirées dans les bars. Le nombre de fois où je suis allée à Québec pour 90 piastres, quand ça ne couvrait pas mon gaz, juste pour faire la soirée d’humour là-bas et que ça donnait un demi-point UDA [Union des artistes]. J’ai fait des shows dans le fond du trou de cul d’un ours, des affaires payées comme la pisse partout! […] Ç’a été vite, mais c’est un mélange de travail, de chance et d’entourage.»
Et de talent, conclurons-nous.