C’est par un concert décoiffant que l’Orchestre symphonique de Montréal fait ses adieux à la plus éminente directrice générale de toute son histoire.
Rafael Payare n’aurait pu choisir un programme plus approprié pour marquer le départ de Madame Careau. Ce jeune chef plein d’allant dirigera pour la dernière fois jeudi soir des œuvres de Saint-Saëns, de Barber, de Jongen et du très doué compositeur québécois Denis Gougeon. Toutes ces œuvres mettent à profit les majestueuses sonorités du Grand Orgue Pierre-Béique. C’est un concert d’exception qui fait salle comble à la Maison symphonique de Montréal depuis mardi soir.
Difficile de déterminer laquelle des œuvres l’orchestre a le mieux rendue mardi. Elles ont toutes été interprétées avec la sensibilité, la fougue et la précision auxquelles nous a habitués Rafael Payare qui a toujours l’air de léviter au-dessus de son podium. Comme si la musique le délivrait des lois de la gravité.
Je m’en voudrais de ne pas mettre en évidence Jubilate!, la fantaisie pour orgue et orchestre qu’a commissionnée l’OSM à Denis Gougeon et qu’on joue pour la toute première fois. Jean-Willy Kunz, l’organiste en résidence, l’interprète avec une virtuosité manifeste. Le compositeur québécois s’est inspiré pour l’écrire de la Toccata festiva de Samuel Barber qui, très opportunément, ouvre cette série de trois concerts. L’œuvre de Gougeon comme celle de Barber donnent à l’organiste une occasion en or de montrer sa maîtrise du pédalier.
Que fera-t-on pour elle?
Dans ses premières pages, le programme du dernier concert de la saison publie un hommage à la PDG qui prend sa retraite le 30 juin prochain. Il faudra bien un jour que l’OSM marque de façon pérenne le rôle sans pareil que Madeleine Careau a joué durant 25 ans à la tête de
l’orchestre. Une salle à son nom peut-être? Une loge? L’un des foyers? Il reste encore plusieurs lieux à nommer dans cette jeune maison.
À l’arrivée de Madeleine Careau à la direction, l’orchestre était au bord du précipice. Elle l’a mis en meilleure posture à force de travail, de démarches, de sollicitations et de sourires. Lorsqu’elle quête et demande de l’aide, le sourire de cette femme infatigable et son ingénuité bon enfant sont aussi convaincants que ses plus solides arguments.
On la regrettera
Aujourd’hui, grâce à elle et à la collaboration du conseil d’administration, en particulier grâce à sa complicité avec Lucien Bouchard, le président, l’OSM se porte bien. Bien mieux que la plupart des meilleurs orchestres du monde. Son budget annuel atteint 37 millions $ et les derniers états financiers montrent que revenus et dépenses terminent kif-kif l’année 2023, ce qui n’est pas un mince accomplissement.
Mais ce n’est pas ce que retiendront d’abord les collègues de travail de Madeleine, les musiciens de l’orchestre et tous les chefs permanents et invités depuis un quart de siècle. Madeleine Careau les a tous bichonnés comme personne d’autre ne l’avait fait avant elle. Sa main est ferme, mais elle est toujours gantée de velours.