C’est un puriste du baseball. Il est tout sauf le genre de personne qui prendrait de la drogue. En fait, il a pris deux Advil dans sa vie et ça l’apeurait. Il est même un peu ésotérique. Ça vous donne une idée à quel point on ne s’imaginerait pas que ce gars-là pourrait se piquer dans la foufoune pour avoir de gros muscles, de gros «chars», plein d’argent et une balle rapide à 100 milles à l’heure.
Mais quand on lui parle des stéroïdes, ce gars-là est pourtant loin de condamner tous ceux qui ont triché. Au contraire.
Je parle ici de Michel Laplante, ancien joueur, gérant et actuel président des Capitales de Québec.
Ceux qui le connaissent savent à quel point c’est un phénomène, tant par sa personnalité que par ses qualités athlétiques. C’est même insultant. Il a amorcé sa carrière professionnelle au baseball quelques années après avoir commencé à jouer sur un vrai terrain.
Il aurait aussi pu faire carrière au tennis. Il serait probablement allé aux Jeux olympiques en volleyball. Il peut jouer la normale quand ça lui tente au golf.
Et il n’en a évidemment jamais pris, des stéroïdes.
Et pourtant, ce n’est pas par manque d’occasions. Il a évolué dans le baseball professionnel de 1992 à 2005. C’était la période faste pour ces substances.
Michel Laplante était très fort. Mais il s’est blessé à quelques reprises. Sa balle rapide manquait un peu de vélocité. Les stéroïdes, ça te fait lancer plus fort, mais ça t’aide aussi à moins t’épuiser, et donc à moins te blesser.
Qui sait quelle carrière aurait connu un Michel Laplante sous stéroïdes?
Le cas Bonds
J’ai appelé Michel Laplante pour lui parler du cas Barry Bonds qui vient de revenir dans l’actualité.
Bonds sera intronisé au Temple de la renommée des Pirates de Pittsburgh en août prochain. Ça vient d’être annoncé. Je n’ai pas dit Cooperstown. Là-bas, il est fui comme la peste.
Mais depuis quelques jours, le débat est reparti: est-ce que Bonds doit être intronisé à Cooperstown (le Temple de la renommée du baseball) malgré tout?
Barry Bonds est le joueur le plus polarisant de l’histoire du baseball avec Ty Cobb.
Il était haïssable, individualiste et bizarre. Par exemple, il s’est déjà battu avec un de ses coéquipiers à San Francisco. Il s’est déjà retiré de son syndicat de l’association des joueurs, car il croyait pouvoir bénéficier de plus d’argent en marketing en faisant ainsi.*
Il ne pouvait donc pas faire partie des jeux vidéo. C’était le premier joueur à faire ça en 30 ans.
Et évidemment, Bonds est associé aux stéroïdes.
Mais il n’a jamais été officiellement déclaré positif à l’utilisation de produits interdits. Il a plutôt été accusé de parjure et d’entrave à la justice en lien avec les stéroïdes.
Les accusations n’ont toutefois jamais mené à une condamnation.
Son entraîneur personnel, Greg Anderson, a été envoyé en prison après avoir refusé de témoigner au sujet des stéroïdes et de son client Barry Bonds.
Bonds pesait 185 livres en début de carrière. Il en pesait 43 de plus, 18 ans plus tard.
Prendre du poids et pas de bedaine
Pour un papa qui travaille comme fonctionnaire, ça peut arriver entre 18 et 36 ans. Pour un joueur des ligues majeures qui n’a pas de bedaine, ça soulève des questions.
Mais Barry Bonds, accessoirement, c’était aussi le meilleur.
Et ce qui est complètement fou, c’est que si vous prenez sa carrière avant que son nom ne soit lié aux stéroïdes, soit jusqu’à 33 ans, il mériterait quand même d’être admis au Temple de la renommée.
Mais après l’âge de 33 ans, il a frappé près de 400 autres coups de circuit, ce qui fait de lui le roi du circuit dans l’histoire du baseball. Il ne courait plus, mais il frappait fort en batinse (voyez le tableau ci-contre).
Pour Michel Laplante, Barry Bonds est le meilleur frappeur de tous les temps, tout simplement. Ceux qui prenaient des stéroïdes étaient avantagés. Mais ils étaient tellement nombreux, selon lui.
«J’ai joué dans ces années-là et je l’ai constaté. Ce n’est pas vrai que c’est 10% des joueurs qui ont pris des stéroïdes durant cette période. Quand on parle de 50%, on est probablement, oui, dans un chiffre qui ressemble à ça.»
Michel Laplante est catégorique. Il est anti-stéroïdes. «Mais elle est où la ligne concernant tous les joueurs qui ont joué durant ces années pour décider s’ils seront admis au Temple de la renommée? Certains ont joué sur la cocaïne. Est-ce que ça les a aidés?»
Le président des Capitales déplore que Barry Bonds puisse être désavantagé par son caractère haïssable. Ce qui détonne avec les vedettes d’aujourd’hui ou d’hier comme Mike Trout, Shohei Ohtani ou Mickey Mantle.
Haïssable ou pas, ça ne doit rien changer
Ce sont des athlètes qui ont aidé le baseball, contrairement à Bonds. Mais ça ne doit pas altérer la mesure de l’impact que le frappeur a eu dans l’histoire du baseball, selon Michel Laplante.
«Il ne faut pas mélanger les choses. Il y avait 700 joueurs de baseball dans les ligues majeures à son époque et ce ne sont pas que 72 qui ont triché. Il y en a probablement 350. On ne commencera pas à jouer à la police de ce que chacun a pris en se disant: mais oui, lui était sympathique, mais pas l’autre.»
Michel Laplante a souvent eu à se demander s’il devait suivre les autres et essayer.
«Je me disais que ce serait de tricher à moi-même. Et après, pendant le restant de mes jours, j’allais rencontrer des gens qui allaient me dire comment j’étais bon et je lançais fort et je n’étais pas capable de vivre avec ça.»
Il admet que ça le mettait en maudit de voir les autres se transformer même s’il travaillait aussi fort qu’eux. Il jugeait les tricheurs.
Facile de juger
Jusqu’au moment où il a pris le temps d’en discuter ouvertement avec certains joueurs.
«J’ai parlé avec des joueurs de la République dominicaine. Certains me disaient que dans leur famille, personne n’est allé à l’école. Personne ne pouvait avoir de souliers. Ces gars-là me disaient que c’était normal si je n’en prenais pas. Que j’avais une bonne famille.»
«Mais eux, leur objectif, c’était que leurs frères et sœurs puissent aller à l’école un jour, avec des souliers. J’ai réalisé que j’avais porté un jugement, toutes ces années, sans me mettre dans leur peau.»
«J’ai arrêté de juger tout ce monde-là. J’ai pogné un deux minutes, comme on dit. Je n’ai pas vécu ça, moi.»
*Source: ESPN.com, Darren Rovell
Même joueur, deux carrières
Statistiques de Barry Bonds
De 22 à 33 ans:
- 1742 matchs
- 374 circuits
- 1094 points produits
- 417 buts volés
De 34 à 42 ans:
- 1244 matchs
- 388 circuits
- 902 points produits
- 97 buts volés